Guidelines américaines

Insuffisance cardiaque : recos ACC

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Publié le 13/05/2022
Les recommandations américaines dans l’insuffisance cardiaque (IC), présentées en avril au congrès de l’American College of Cardiology (ACC), viennent compléter celles de la Société européenne de cardiologie (ESC). Sur le plan nosologique, elles portent une attention particulière aux stades présymptomatiques. Dans l’IC à fraction d’éjection préservée (ICFEp), elles intègrent les résultats de l’étude EMPEROR-preserved et élargissent l'arsenal thérapeutique (1).
Un arsenal thérapeutique plus complet dans l'ICFEp

Un arsenal thérapeutique plus complet dans l'ICFEp
Crédit photo : phanie

Sur le plan nosologique, les Européens restent fidèles à la classification NYHA de l’IC. Par contre, les Américains se réfèrent aussi à la classification « ABCD » en insistant sur les stades précoces avant l’apparition des symptômes : stade A pour les personnes à risque d’IC et B en cas de pré-IC (dysfonction du ventricule gauche ou anomalie structurelle asymptomatique à l’échocardiographie). « En France, on ne prend pas assez en compte cette classe A, qui inclut notamment les hypertendus, les diabétiques et les patients sous chimiothérapie, reconnaît le Pr Michel Galinier (CHU de Toulouse). Les Sociétés savantes américaines (AHA, ACC, HFSA) mettent en avant la nécessité de contrôler les facteurs de risque, de prescrire des inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2) chez les diabétiques, de surveiller la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) avant le développement du remodelage, ainsi que le NTproBNP qui doit rester inférieur à 125 pg/ml. Une démarche très proactive, alors qu’en Europe on manque encore d’ambition pour prévenir l’IC ». 

Une autre définition de l’IC « modérément réduite »

L’ESC rattache les FEVG comprises entre 41 et 49 % à l’IC à FEVG réduite (ICFEr). Les recommandations américaines reconnaissent deux formes : l’IC à FEVG améliorée, quand la FEVG initialement inférieure à 40 % repasse au-dessus de 40 % (avec un traitement à poursuivre), et l’IC à FEVG modérément réduite, pour ceux qui sont d’emblée entre 41 à 49 % et doivent systématiquement faire la preuve d’une augmentation des pressions de remplissage, élévation du NTproBNP ou altération de la fonction diastolique à l’échodoppler. Une condition qui n’est exigée par l’ESC que dans l’ICFEp et seulement proposée dans l’IC à FEVG modérément réduite. 

Sacubritil-valsartan en tête des bloqueurs du SRA

Dans l’ICFEr, l’ESC préconise d’utiliser d’abord un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) puis de le remplacer éventuellement par un inhibiteur du récepteur de l’angiotensine néprilysine (ARNI), c’est-à-dire le sacubitril-valsartan. Il existe néanmoins la possibilité d'instaurer d’emblée l'ARNI mais avec un faible niveau de recommandation (grade IIb). « Les recommandations américaines mettent l’ARNI au premier plan des bloqueurs du SRA (classe Ia) », souligne le Pr Galinier. Ceci permet de supprimer une étape de l'escalade thérapeutique, les IEC étant réservés aux contre-indications des ARNI (essentiellement les PAS < 100 mmHg) et les ARAII aux intolérances aux IEC. « Comme pour l'ESC, l'ARNI intègre les quatre piliers thérapeutiques de l’IC, avec les bêtabloquants, les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARMC) et les iSGLT2 », ajoute le cardiologue (voir encadré).

Dans l’IC à FEVG modérément réduite, les résultats d’EMPEROR-preserved, postérieurs aux recommandations de l’ESC, permettent de préconiser désormais les iSGLT2 (classe IIa), en plus des bloqueurs du SRA, des ARMC et des bêtabloquants (classe IIb). 

ICFEp : plus d’options thérapeutiques

Pour l’ESC, le traitement de l’ICFEp repose toujours sur les diurétiques, le contrôle de l’étiologie et des comorbidités. Mais, l’étude EMPEROR-preserved (2) amène à proposer en premier des iSGLT2 (classe IIa). « C’est une petite révolution, commente le Pr Galinier. Les recommandations américaines vont encore plus loin, en intégrant également les résultats d’analyses en sous-groupes des essais menés avec les ARMC et ARNI, dont l’étude PARAGON qui était neutre. Il est aussi indiqué, qu’après l’iSGLT2, on peut prescrire les ARMC et l’ARNI (IIb) dans l’ICFEp, avec donc un arsenal thérapeutique plus complet ». De plus, les patients peuvent également tirer bénéfice d’un contrôle de la fibrillation atriale et de l’hypertension artérielle. Il est aussi possible de donner des ARAII (classe IIb). Les dérivés nitrés et les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 sont proscrits.

« Ces recommandations américaines sont plus pragmatiques et plus pertinentes que les européennes, conclut le Pr Galinier. Elles ont le mérite de prendre en compte tous les essais même lorsqu’ils sont neutres ».

D’après un entretien avec le Pr Michel Galinier (CHU de Toulouse).
(1) Heidenreich PA et al. Circulation. 2022;0:10.1161/CIR.0000000000001063
(2) Anker SD et al. N Engl J Med 2021;385:1451-61

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr