Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite

La décompensation, une chance pour le patient ?

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Publié le 04/06/2021
Un épisode d’insuffisance cardiaque (IC) aiguë constitue une opportunité de modifier le traitement de fond de l’IC à fraction d’éjection réduite, dont la prise en charge est en pleine évolution avec l’arrivée de nouvelles molécules.
Il est essentiel de mettre en place un processus de télésurveillance

Il est essentiel de mettre en place un processus de télésurveillance
Crédit photo : phanie

Les hospitalisations pour une IC aiguë (ICA) sont suivies d’une période critique, marquée par un taux de réhospitalisation de 25 % dans les trois mois et de 50 % dans les 12 mois, ainsi que d'un risque de décès de 24 % à un an. « La survenue d’un épisode de décompensation constitue un signal d’alarme et doit conduire à revoir profondément le traitement », souligne le Pr Michel Galinier, avant de rappeler les différents réflexes à adopter. 

Fer et gliflozine, un duo gagnant 

Il faut rechercher et corriger la carence martiale. L’étude AFFIRM-AHF a bien démontré les bénéfices d’un traitement intraveineux par carboxymaltose ferrique administré au cours de l’hospitalisation chez les nombreux patients ayant un déficit martial (70 %) : il permet de réduire significativement, de 26 %, le risque de réhospitalisation dans l’année qui suit.

À court terme, il faudra adjoindre un inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2). Cette nouvelle classe thérapeutique a fait la preuve de son intérêt dans trois études, notamment SOLOIST-WHF au cours de laquelle un traitement par la sotagliflozine avait été initié avant la sortie d’une hospitalisation pour ICA. Chez ces patients diabétiques de type 2, l’adjonction de la gliflozine s’est accompagnée d’une baisse de 25 % du risque d’hospitalisation pour IC et de décès cardiovasculaire, au terme d’un suivi médian de neuf mois. Des données qui confirment celles rapportées dans les études portant sur des patients insuffisants cardiaques stables. La méta-analyse des essais DAPA-HF et EMPEROR-Reduced a mis en évidence une baisse de 26 % du risque d’hospitalisation et de 14 % de décès cardiovasculaires.  « Il faudra ainsi prendre l’habitude de prescrire d’emblée une gliflozine dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite, traitement qui est bien toléré sous réserve du respect des contre-indications, notamment une baisse du débit de filtration glomérulaire en deçà de 25 ou 30 ml/mn », précise le Pr Galinier.

En fonction de la PAS

Il importe également de contrôler la post-charge ventriculaire gauche chez les patients ayant une pression artérielle systolique (PAS) > 100 mm Hg. Si le patient ne reçoit pas encore de sacubitril-valsartan, ce traitement doit venir se substituer à l'inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) ou l'antagoniste des récepteurs de l'angiotensine 2 (ARA 2). Une stratégie dictée par les résultats de l’étude PIONNER-HF qui a démontré la supériorité de cette association sur l’énalapril après une ICA sur le NT-proBNP (critère primaire d’évaluation), mais surtout sur le risque d’hospitalisation à 12 semaines. Si le patient bénéficie déjà de ce traitement, ce qui doit être la norme, l’ajout du vériciguat au décours de l’hospitalisation permet de réduire de 8 % les réhospitalisations et la mortalité, selon les résultats de l’étude VICTORIA. Ce vasodilatateur cible une nouvelle voie, en améliorant la production de guanosine monophosphate cyclique. Sa prescription, qui nécessite une augmentation progressive des doses, sera réservée aux spécialistes.

Chez les patients ayant une PAS basse, < 100 mm Hg, notamment ceux avec une fraction d’éjection très réduite (< 28 %), un nouvel inotrope, l’omecamtiv mecarbil permet de réduire de 8 % les hospitalisations pour IC, sans impact positif ni délétère sur la mortalité cardiovasculaire, comme l’a souligné l’étude GALACTIC-HF. « Ce traitement paraît plus efficace chez les sujets en rythme sinusal », note le Pr Galinier, tout en rappelant que « ceux en fibrillation atriale peuvent bénéficier de digitaliques, qui sont sous-utilisés ». 

Et la télésurveillance ?

Enfin, au-delà de ces modifications du traitement de fond, il est essentiel de mettre en place un processus de télésurveillance, autorisé par le programme ETAPES au décours d’une ICA. La télétitration des doses en se basant sur la pression artérielle, la fréquence cardiaque et le bilan biologique permet d’adapter au mieux les posologies et donc d’optimiser le traitement, et in fine de réduire les hospitalisations et les décès.

D’après un entretien avec le Pr Michel Galinier, CHU de Toulouse.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr