Pr Laurent Fauchier : « Nos pratiques en rythmologie ont évolué après l’ESC »

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Publié le 24/10/2023
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Comme chaque année, les études présentées lors du congrès de la Société européenne de cardiologie ont apporté un certain nombre d’enseignements utiles en pratique quotidienne.

Pr Laurent Fauchier

Pr Laurent Fauchier
Crédit photo : DR

L’étude Noah-Afnet 6, essai multicentrique européen en double aveugle edoxaban versus placebo, a répondu par la négative à une question qui se pose régulièrement en pratique : faut-il traiter par anticoagulant un patient porteur d’un pacemaker chez lequel les enregistrements retrouvent des tracés qui ressemblent à de la fibrillation atriale (FA), sans que ne soit documenté de la FA à l’ECG de surface habituel ?

Dans cet essai qui avait inclus plus de 2 500 patients âgés de 65 ans ou plus ayant des épisodes d’arythmie atriale de plus de 6 minutes et au moins un autre facteur de risque d’AVC, sans FA documentée, on a observé, sous edoxaban, une baisse de 20 % (non significative) des événements du critère primaire (AVC, embolie systémique, décès cardiovasculaire), et un excès de saignements (plus 30 %), ce qui a d’ailleurs conduit à interrompre prématurément l’étude. Le taux d’AVC a été très faible dans les deux bras de traitement, de l’ordre de 1 %.

« En cas de recueils de tels tracés, il faut donc s’attacher à documenter la FA avec des enregistrements de surface de longue durée », note le Pr Laurent Fauchier, qui tire un second enseignement de cette étude : « on peut rassurer les patients chez lesquels on retrouve ce type d’anomalies ».

Contrôle du rythme prégreffe

Autre essai dont les résultats pourraient modifier les pratiques : Castle-HTx, qui prolonge l’étude Castle-AF déjà publiée dans le Nejm. Chez des patients ayant une insuffisance cardiaque chronique avancée, chez lesquels on envisage une assistance circulatoire ou une greffe, l’ablation par radiofréquence permet de réduire de façon très nette le risque d’événements cardiovasculaires majeurs (décès, assistance cardiaque ou transplantation). « La baisse, de 80 % est spectaculaire, peut-être même trop », souligne le Pr Fauchier en rappelant qu’il s’agit d’une étude menée dans un seul centre très expert, dont les résultats ne sont peut-être pas facilement généralisables. « Ils sont néanmoins très encourageants. Ils confirment qu’il faut contrôler le rythme, sans toutefois que ce ne soit une raison pour trop retarder un bilan prégreffe. L’analyse en sous-groupe indique en effet que ce ne sont pas les patients les plus graves qui tirent le plus grand bénéfice de la procédure », précise l’expert.

L’électroporation, une nouvelle technique prometteuse

L’étude Advent apporte, quant à elle, des informations d’ordre technique pour l’ablation de la fibrillation atriale ciblant l’isolation des veines pulmonaires, puisqu’il s’agit du premier essai randomisé confirmant la non-infériorité de l’électroporation sur les méthodes conventionnelles. Cette technique fait appel non pas à une approche thermique, comme c’est le cas de la radiofréquence et de la cryoablation, mais à un champ électrique pulsé. La délivrance de chocs électriques courts mais intenses permettrait une destruction spécifique du tissu myocardique. Cette spécificité réduirait le risque de complications telles que les atteintes du nerf phrénique, qui concernent 1 à 2 % des procédures, et les fistules atrio-oesophagiennes, rares mais grevées d’une mortalité de plus de 50 %.

Au-delà de ses bénéfices potentiels sur le plan de la sécurité, l’électroporation, qui donne des résultats comparables à ceux des procédures thermiques quant au risque de rechute de l’arythmie à un an (30 %), présente également l’avantage d’un gain de temps. La durée de procédure dans l’oreillette gauche est en moyenne de 30 à 45 minutes avec l’électroporation, versus 45-60 min pour la cryoablation et 60-90 min pour la radiofréquence ; « un point important à l’heure où les indications de l’ablation tendent à s’élargir », estime le Pr Fauchier.

Résultats très positifs aussi pour la stimulation biventriculaire dans l’insuffisance cardiaque chez les patients sans bloc de branche gauche mais porteurs d’un pacemaker, dont la stimulation conventionnelle et fréquente du ventricule droit aboutit à un élargissement des QRS. L’essai Budapest CRT Upgrade montre que, comparativement à la stimulation ventriculaire droite simple, la resynchonisation cardiaque permet de réduire le risque de décès et d’hospitalisation et d’améliorer les critères échographiques. « C’est ce que l’on avait déjà tendance à faire en spéculant logiquement sur un bénéfice potentiel, cette étude donne ainsi un certain niveau de preuve à nos pratiques », note le Pr Fauchier.

Entretien avec le Pr Laurent Fauchier, CHU de Tours

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr