Après pontage coronarien

Une réduction durable du risque d’infarctus sous bêtabloquants

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Publié le 21/03/2022

Dans un registre national suédois, l'analyse des patients ayant eu un pontage coronarien entre 2006 et 2017, met en effet en évidence un bénéfice prolongé associé au traitement par bêtabloquants cardiosélectifs. Observé même en absence de réduction de la fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG), il concerne surtout la diminution du risque d’infarctus du myocarde (IDM).

Crédit photo : phanie

Plus personne ne conteste le bénéfice des bêtabloquants en post-infarctus, pas plus que leur intérêt chez les patients présentant une réduction de la FEVG. En Europe et Outre Atlantique, ils sont même recommandés à vie dans ces situations. En revanche, après greffe et non pas stenting coronaire, les données étant plus limitées, les recommandations limitent actuellement le traitement bêtabloquant post-pontage à 12 mois. Dans cette indication, ils sont d'ailleurs largement sous prescrits. Mais à l'avenir les choses pourraient changer…

Un registre suédois sur 35 000 sujets pontés

Une étude observationnelle remet en cause cette durée de traitement. Le registre suédois retenu pour l'analyse rassemble 35 000 sujets pontés en 2006 et 2017. Parmi eux, 30 500 sont, ou ont été, sous bêtabloquant cardiosélectif. Ils ont 68 ans d'âge moyen et 80 % sont des hommes. S'y ajoutent 2 000 sujets n'ayant pas eu de traitement bêtabloquant (âge moyen 69 ans, 83 % d’hommes) et 2 600 patients sous bêtabloquant non cardiosélectif (âge moyen : 69 ans, 81 % d’hommes).

Globalement, parmi eux, 22 % ont un antécédent d'insuffisance cardiaque (IC), 30 % une fibrillation atriale (FA) et 54 % un IDM. À 5,2 ans de suivi médian, 9 300 sujets ont fait un IDM (6,5 %), un AVC (8,6 %) et/ou sont décédés (18,1 %). Enfin, plus globalement, les patients sous bêtabloquant cardiosélectif sont plus souvent sous antiagrégant plaquettaire, statine et/ou inhibiteur du système rénine angiotensine (SRA), comparativement aux sujets sous bêtabloquant non cardiosélectif et à ceux non traités par bêtabloquant. 

Moins d'infarctus myocardiques

Dans ce registre, la prescription de bêtabloquant cardiosélectif diminue avec le temps. On passe de 94 % de patients sous bêtabloquant à l'entrée dans le registre (cardiosélectif pour 92 % de tous les pontés) à 78 % à 5 ans, puis 73 % à 10 ans après le pontage coronarien. Par ailleurs, on observe une nette différence de prescription en fonction des antécédents. Les sujets ayant fait un IDM et/ou souffrant d'IC ont plus souvent été traités par bêtabloquant cardiosélectif, non seulement immédiatement après le pontage (93 % versus 90 % en absence d'IDM ou d'IC) mais plus encore 10 ans après (75 % versus 71 %).

À 5 ans de suivi médian, le critère primaire combiné (associant IDM, AVC et mortalité totale) est significativement réduit chez les sujets sous bêtabloquant. Chez les patients toujours sous bêtabloquant cardiosélectif plus de six mois après le pontage, le risque de survenue des évènements du critère combiné est globalement réduit de 7 % (RR = 0,93 ; 0,89-0,98 ; p = 0,0063). Ce bénéfice est largement dû à une diminution de 17 % du risque d'IDM (RR = 0,83, 0,75-0,92 ; p = 0,0003). Par contre, ni la mortalité totale, ni les AVC, ne sont affectés.

Par ailleurs, ce bénéfice survient indépendamment de la présence, ou pas, d'une réduction de FEVG. Il est retrouvé chez les patients à FEVG réduite, comme chez ceux à FEVG préservée. L'association entre traitement bêtabloquant cardiosélectif et survenue d'IDM est non seulement robuste, mais surtout persistante dans tous les sous-groupes, indépendamment des antécédents d'IDM, d'IC et/ou de FA. Le bénéfice se poursuit au-delà de la première année post-pontage. Ces résultats pourraient donc modifier à l'avenir les recommandations et les pratiques.

(1) Lindgren M et al. Beta blockers and long-term outcome after coronary artery bypass grafting: a nationwide observational study. Europ Heart Journal  - Cardiovascular Pharmacotherapy 2022; 0, 1-8 . doi.org/10.1093/ehjcvp/pvac006

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr