Un plaidoyer pour un maillage par des centres experts

Cancer du pancréas, la sélection à la chirurgie plus que jamais déterminante

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Publié le 20/03/2017
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Crédit photo : PHANIE

La pancréatectomie, nécessaire à la guérison de l'adénocarcinome du pancréas, n'en est pas pour autant un standard de traitement. « Ce n'est plus la seule option pour une survie prolongée associée à une bonne qualité de vie », a souligné le Pr Alain Sauvanet, chirurgien hépatique et pancréatique à l'hôpital Beaujon (AP-HP), lors d'une session dédiée aux progrès dans le cancer du pancréas à l'Académie nationale de médecine.

Alors que la duodénopancréatectomie céphalique (DPC) est associée à une morbidité de 54 % et une mortalité hospitalière de 4 % dans une série de l'Association française de chirurgie, la mortalité liée au traitement est quasi-nulle dans les cancers localement évolués et non opérés.

La sélection, à la fois des patients et de la tumeur à la chirurgie, apparaît plus que jamais déterminante. Les traitements systémiques ont permis des progrès récents dans la prise en charge du cancer du pancréas, y compris avec l'arrivée de traitements personnalisés.

Pour le Pr Sauvanet, il faut être clair : « La chirurgie, qui ne permet la guérison des malades que chez environ 20 % des opérés, a atteint certaines limites en termes de traitement curatif ». La résécabilité de la tumeur est loin d'être facile à apprécier, notamment dans les tumeurs dites « border-line », avec un risque de pertes de chances en cas de chirurgie non radicale.

Alors que l'incidence à la hausse du cancer du pancréas est qualifiée « d'inquiétante » avec 338 000 nouveaux cas en 2012 à l'échelle mondiale, - notamment en raison du vieillissement de la population -, la question de la chirurgie optimale du cancer du pancréas se pose avec insistance dans les pays développés.

La création du groupe PAIR pancréas

« Le maillage du territoire par des centres experts est l'une des recommandations du groupe PAIR pancréas (PAIR pour Programme d'Actions Intégrées de Recherche), créé l'année dernière avec l'INCa, explique le Pr Pascal Hammel, gastro-entérologue spécialisé en cancérologie digestive à l'hôpital Beaujon. De nouveaux résultats nous confortent en ce sens. Plusieurs études, dont une récente française, montrent qu'il existe un effet centre. Le volume des patients traités influe sur la mortalité de la chirurgie mais aussi sur le pronostic ».

Pour le Pr Sauvanet, la sélection des patients à la chirurgie répond à plusieurs impératifs : « Diminuer le risque immédiat de la chirurgie, savoir au mieux préparer les patients à la chirurgie, limiter les exérèses peu utiles voire non utiles car non radicales, augmenter si possible les possibilités d'exérèse radicale, et identifier dans le parcours multidisciplinaire du patient les étapes qui peuvent améliorer son pronostic ».

Le choix du traitement du cancer du pancréas dépend du stade de la maladie. « Seuls 10-15 % des patients peuvent être opérés d'emblée, indique le Pr Hammel. La survie à 5 ans est de 20-30 %. La chimiothérapie adjuvante, après la chirurgie, est l’un standard depuis 2001. Une étude récente a montré qu'une bichimiothérapie associant gemcitabine + capécitabine ferait mieux sur la survie à 5 ans que la gemcitabine seule ».

Les difficultés des tumeurs « border-line »

Les cancers à la limite de l'opérabilité, dits « border-line », posent des difficultés techniques en raison de la résection vasculaire, mais aussi carcinologiques avec le risque d'une résection incomplète. « Un traitement néoadjuvant est sans doute la meilleure solution, d'après de nombreuses études, explique le Pr Hammel. Le Folfirinox peut être associé ou non à de la radiothérapie, mais cette option doit être validée prospectivement ».

Pour les cancers non résécables localement avancés sans métastases, « la tumeur n'est pas opérable », souligne le Pr Hammel. La prise en charge repose sur la chimiothérapie, la radiothérapie reste une option après la chimiothérapie dans cette situation de faire une pause.

Enfin pour les cancers métastatiques, « l'état général lors du diagnostic est essentiel pour choisir le traitement », poursuit le Pr Hammel. Deux standards sont disponibles, soit du Folfirinox chez les sujets en bon état général, âgés de moins de 70 ans, sans cholestase soit de la gemcitabine + nab-paclitaxel, qui elle peut aussi être donnée chez les sujets plus fatigués, plus âgés. Point important concernant les soins de support, le spécialiste insiste sur la nécessité de les mettre en place « dès le diagnostic et pas seulement quand l'état du patient se dégrade. Dès le début, il faut veiller à traiter la douleur, un diabète, la cholestase, des troubles digestifs, la dépression ou l'anxiété ».

Aller plus vite au diagnostic initial

Après les espoirs déçus des antiangiogéniques et de l'immunothérapie en monothérapie, plusieurs pistes thérapeutiques originales sont à l'étude, et pas que de nouveaux agents de chimiothérapies. « La piste métabolique est en train d'être explorée, notamment avec la L-aspariginase ou encore l'activité physique, explique Pascal Hammel. L'idée est de freiner la croissance de la tumeur, en contrariant son métabolisme. Une autre piste est de cibler le stroma tumoral, notamment avec le PEGPH20 qui est actuellement testé en phase 3 dans les tumeurs surexprimant l'acide hyaluronique ». L'identification des mutations génétiques dans les quelques rares formes familiales (90 % des cancers sont sporadiques) a aussi ouvert la voie à des traitements à la carte, notamment chez les 3-5 % de sujets porteurs de la mutation BRCA2 avec les sels de platine et les inhibiteurs de PARP actuellement testés.

Pour le Pr Hammel, il faudrait aller plus vite au diagnostic initial. « Les symptômes sont souvent peu spécifiques au début, rappelle-t-il. C'est une altération de l'état général, une asthénie, des douleurs postérieures, une dépression, un diabète. Chez un patient âgé de plus 50 ans qui présente l'un de ces signes, il faudrait savoir penser qu'il peut s'agir d'un cancer du pancréas ». 

 

 

 

 


Source : Le Quotidien du médecin: 9565