EDITORIAL - Edition spéciale Gynécologues-Obstétriciens

La chirurgie robotique, le marketing et la qualité des soins

Publié le 10/05/2012
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Aujourd’hui, de multiples outils et procédures sont mis en place pour que les bénéfices et les effets indésirables des médicaments soient connus des prescripteurs et des patients. Ces informations sont essentielles pour le choix thérapeutique, l’information délivrée aux patients, le choix ou non des autorités pour évaluer le service rendu du médicament. Cependant, nous avons vu récemment que, malgré toutes ces précautions, il existe encore des failles. En ce qui concerne les dispositifs médicaux, tous ces outils et procédures rigoureuses ne sont pas disponibles. En pratique, il est nécessaire d’avoir un marquage CE, qui n’est pas une autorisation délivrée par une agence dont l’objectif est d’évaluer le service rendu. Une fois ce marquage CE obtenu, le praticien peut l’utiliser en pratique de soins courants dans l’établissement où il exerce. Les dispositifs médicaux incluent notamment ceux nécessaires à la réalisation des actes chirurgicaux. Le robot chirurgical en fait partie. Aujourd’hui, après dix ans d’utilisation courante, il n’existe aucune étude scientifiquement valable qui a mis en évidence l’absence d’effet délétère ou de bénéfice du robot pour les patientes en gynécologie. L’attrait du grand public concernant le robot chirurgical a été largement exploité par la société qui le développe, ce qui est normal dans une économie de marché. Ce qui est anormal et scandaleux, c’est le fait que de nombreux chirurgiens ont acquis le robot uniquement pour attirer les patientes, en leur faisant croire qu’il leur permettra de mieux les opérer. Il s’agit d’une politique de marketing fondée sur le mensonge. Pire, dans certains cas, cela entraîne des dépassements d’honoraires encore plus importants. Or le coût du robot est un vrai choix stratégique pour toutes les cliniques et hôpitaux qui l’acquièrent. Dans les institutions privées, plusieurs solutions sont proposées dont la participation aux frais supplémentaires par la patiente via le dépassement d’honoraires. Dans les institutions publiques, c’est le budget dévolu aux autres dispositifs qui est impacté, en arrivant au paradoxe que l’hôpital ne se dotera pas de dispositifs dont on sait qu’ils sont bénéfiques pour les patientes en raison de l’investissement dans le robot dont on ne sait pas s’il apporte un bénéfice pour les patientes. La chirurgie robotique doit continuer à être pratiquée, mais dans un contexte d’évaluation et de recherche et les patientes doivent être informées dans ce sens. Il est donc urgent que nous arrêtions cette pratique scandaleuse de diffusion du robot et de tout autre dispositif médical qui n’ont pas fait leur preuve et qui n’ont pas été évalués de la même manière que les médicaments.

Hôpital de la Conception, Marseille

 Pr Aubert Agostini

Source : Bilan spécialistes