Risque opératoire : moins de sinistres mais hausse des gros préjudices, décrypte l'assureur Branchet

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Publié le 02/10/2023
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     Fin d'une intervention chirurgicale bariatrique sous coelioscopie dite gastroectomie verticale. Prise de pouls par un médecin anesthésiste. Service de chirurgie digestive, générale et endocrinienne du CHU de Limoges.

Fin d'une intervention chirurgicale bariatrique sous coelioscopie dite gastroectomie verticale. Prise de pouls par un médecin anesthésiste. Service de chirurgie digestive, générale et endocrinienne du CHU de Limoges.
Crédit photo : Burger/Phanie

La sinistralité diminue globalement pour les médecins de plateaux techniques lourds mais les litiges sont toujours plus coûteux. C'est ce que révèle la cartographie des risques opératoires 2023 du cabinet Branchet, filiale du groupe Verspieren, qui couvre l’activité dédiée à la responsabilité civile médicale de 7 000 praticiens de plateau technique lourd.

Pour les praticiens du bloc opératoire, « nous sommes ainsi passés d'un risque de mise en cause tous les trois ans il y dix ans à un risque de mise en cause tous les cinq ans en 2020, soit une réduction de presque 30 % », précise Philippe Auzimour, directeur général de Branchet. 

Mais ce repli de la sinistralité s'accompagne d'un bond du montant moyen des indemnités. Ainsi, la proportion de sinistres (dossiers clos) à plus de 500 000 euros, qui avait baissé entre 2019 et 2021, est repartie à la hausse pour revenir au niveau de 2018. Les réclamations estimées à plus d’un million d’euros augmentent, elles, de 33 % et représentent 40 % de la charge globale du portefeuille, précise Branchet.


Facteur aggravant pointé par Branchet : les sinistres survenus après un changement d’activité ou une prise de retraite accroissent le coût moyen des réclamations. Ils représentent 11 % des provisions de l'assureur. Un praticien a ainsi 33 % de chances d’avoir une réclamation dans les dix ans qui suivent son changement d’activité pour la réduire ou pour préparer sa retraite. 

La tendance baissière (sur dix ans) de la sinistralité ne s'explique pas seulement par le Covid. C’est une combinaison de facteurs multiples : accréditation des spécialités à risques, conscience accrue du risque, amélioration de la qualité d'information délivrée aux patients, rajeunissement des praticiens (plus vigilants) ainsi que… féminisation des praticiens (les femmes chirurgiens présentant une sinistralité inférieure de 43 % à celle de leurs collègues masculins). 

Si l’évolution de la fréquence des mises en cause est stable en gynécologie-obstétrique (une mise en cause tous les quatre ans et trois mois), elle diminue en anesthésie-réanimation (tous les six ans et trois mois). Mais la décrue la plus marquante de la fréquence des sinistres s'observe dans les spécialités chirurgicales (tous les deux ans et 10 mois en moyenne). Tout en réduisant la fréquence des préjudices, la neurochirurgie et la chirurgie du rachis restent toutefois les plus exposées (une mise en cause tous les un an et dix mois en moyenne) suivie de la chirurgie orthopédique et la chirurgie bariatrique. 

Le manque de personnel, cause d'erreur

Le personnel intérimaire – et le manque de personnel – sont des causes d'erreurs médicales majeures. « Pour preuve, les cotisations santé prévoyance vont fortement augmenter pour les cliniques. Cela va représenter un taux de 8 % de leur masse salariale », explique le DG. 

Autre cause aggravante, le manque de transparence vis-à-vis du patient. « Nous indemnisons alors que ni le chirurgien, ni l’anesthésiste, ni l’obstétricien n’ont fait de mauvaises pratiques, mais uniquement pour défaut d’information, déplore le directeur général. C’est dommage que pour un problème de traçabilité au patient, nous soyons condamnés à indemniser. » Alors que ce manque d’information ou de transparence coûte 2 % du total des sinistres, ce facteur pourrait être corrigé dans 36 % des cas, calcule Branchet. 

Le manque de communication au sein de l'équipe chirurgicale est particulièrement source d'événements indésirables graves. Ainsi, 80 % de ces derniers sont imputables aux soft skills (intelligence relationnelle, écoute, capacités de communication, caractère, facteurs humains, compétences non techniques). C'est pourquoi les formations de la Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar) sont désormais pour moitié fléchées vers ces facteurs humains. Et 5 % des montants des primes sont réinvesties par Branchet dans les formations.

5 % des praticiens, 75 % du coût des sinistres

Selon Branchet enfin, 5 % des chirurgiens et anesthésistes génèrent 75 % du coût des sinistres. Et 10 % des assurés sont responsables de la moitié du nombre total de réclamations (2 000) – les médecins étant reconnus responsables dans 400 cas par an.

Branchet a constaté que, lorsqu'un praticien débute sa carrière, aucune erreur médicale n'intervient avant cinq ans d'exercice en moyenne. La tranche 45/55 ans concentre le nombre maximum de déclarations. Les professionnels chevronnés ont tendance à prendre plus de patients difficiles et à en opérer davantage. 

Pour accompagner ses adhérents, l'assureur propose des solutions numériques comme l'archivage et la signature électroniques du patient. Il encourage l'exercice pluridisciplinaire et offre une assistance 24 h/24 dans le médico-légal, l'infectiologie, le juridique, ainsi que des formations dédiées aux risques liés aux nouvelles technologies. 


Source : lequotidiendumedecin.fr