Filière péri-opératoire gériatrique

Un modèle d’organisation à déployer

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Publié le 04/06/2018
filiere periop

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

L’emblématique chirurgie pour FESF, fréquente (65 000/an) et lourde (25 % de mortalité à 1 an) intervient chez des patients très vulnérables (en moyenne de 85 ans, 5 à 7 comorbidités et 5 à 8 médicaments). Un parcours de soins associant les compétences améliore le pronostic lié au terrain et aux complications hospitalières.

« Plus qu’une unité, l’UPOG est une organisation des soins autour du sujet âgé qui vient de se fracturer le col du fémur », explique le Dr Judith Cohen-Bittan.

Le fil d’Ariane

Dans la chirurgie urgente pour FESF, la filière UPOG est une organisation où chacun intervient en son temps dans son domaine de compétence. Dès qu’un patient âgé arrive aux urgences avec une FESF, les urgentistes alertent chirurgien, anesthésiste et gériatre pour coordonner le parcours de soins.

Utiliser au mieux les ressources (bloc opératoire…) vise à réduire le délai chirurgical (<48 heures) et le délai d’accès à l’UPOG. À la Pitié-Salpêtrière, le transfert en UPOG a lieu dès la sortie du Réveil. L’expertise gériatrique est indispensable pour gérer comorbidités, traitements et le risque de décompensation. La mobilisation (< 24 heures) inspirée de la Réhabilitation Améliorée Après Chirurgie (RAAC) est immédiate avec soutien nutritionnel, prévention active des escarres et de la confusion (et sa gestion). Pris en charge dans sa globalité, le patient quitte rapidement l’UPOG pour un Soins de Suite et Réadaptation intégré à la filière, le plus souvent. Les rhumatologues prennent en charge l’ostéoporose en lien le médecin traitant. Il vérifiera l’autonomie, la prise du traitement anti-ostéoporotique et réhospitalisera en UPOG si besoin.

La typologie des patients âgés change. La FESF touche des patients de plus en plus comorbides et polymédiqués. Cette complexité médicale, auparavant gérée en chirurgie, relève de l’expertise gériatrique en UPOG. La chirurgie urgente de FESF est associée à un risque de mortalité x 6 par rapport à la chirurgie programmée de hanche. « Il ne vient à l’idée de quiconque de demander à un gériatre d’opérer. Pourquoi confier à un orthopédiste la multimorbidité et polymédication ? Chacun doit travailler dans son domaine de compétence, et tous ensemble ! », soutient le Pr Boddaert.

Bénéfices incontestables

L’étude de la filière UPOG (n = 203) vs filière antérieure orthopédique à la Pitié (n = 103) montre la diminution des complications (escarre, transfert en réanimation), des réadmissions (14 vs 29 %, p = 0,007) et de la mortalité à 6 mois (-43 %, IC95 % [25 % ; 75 %], p = 0,002) ; des résultats confortés par comparaison avec les données de la base nationale PMSI (1). Dans la filière UPOG, la mortalité à 6 mois est identique que le patient ait ou non un syndrome démentiel (2). « On n’attache pas, ni n’assomme de médicament, même si c’est compliqué », souligne le spécialiste. L’hôpital est gagnant : environ 800 000 €/an (lits UPOG + lits d’orthopédie libérés) (3). Dans la chirurgie urgente pour FESF du sujet âgé, la filière UPOG doit devenir la norme. « Reste à l’évaluer dans d’autres chirurgies (urgentes ou programmées). La vulnérabilité du patient opéré hors urgence pourrait devenir la clef d’accès à une UPOG : le patient très comorbide devrait être prioritaire en UPOG », précise le Pr Boddaert. L’UPOG de la Pitié a donné l’impulsion.

L’ARS Ile de France a lancé un appel d’offre de labellisation ; 15 UPOG ont ouvert. En province, Grenoble, Poitiers, Bordeaux, Nantes, Fréjus ont une UPOG. Les confrères souhaitant en savoir plus sur l’expérience de la Pitié peuvent contacter le Pr Boddaert (jacques.boddaert@aphp.fr).

(1) Boddaert J. et al., PLos ONE 2014;9(1):e83795
(2) Zerah L. et al., J Alzheimers Dis 2017;56(1):145-56
(3) Boddaert J. et al., Santé publique 2015;27:527-35

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9670