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Dossier

JDP 2019

L’acné, une maladie du microbiote cutané

Publié le 17/01/2020
L’acné, une maladie du microbiote cutané

acne
Ocskay Bence - stock.adobe.com

Le microbiote cutané était à l’honneur des dernières Journées dermatologiques de Paris, avec notamment la présentation de nombreux travaux qui étayent le rôle de la dysbiose dans la survenue de l’acné. Ce constat ouvre la porte à de nouvelles approches thérapeutiques et conforte les recommandations thérapeutiques actuelles, reléguant au second plan les antibiotiques topiques, qui tendent à aggraver le déséquilibre de la flore.

« Contrairement à ce que l’on a longtemps cru, la bactérie saprophyte Cutibacterium acnes (dont le rôle est de maintenir le pH acide de la peau) ne prolifère pas dans le follicule sébacé pour créer des lésions sévères d’acné », a expliqué le Pr Brigitte Dréno, chef du service de dermatologie du CHU de Nantes, lors des Journées dermatologiques de Paris (3-7 décembre 2019). C’est en réalité une perte de diversité des phylotypes de C. Acnes qui est en cause, avec la prédominance de l’un d’entre eux, le phylotype IA1, observée chez 70 % des acnéiques, « chez l’adolescent comme chez la femme adulte, et que l’acné soit minime ou sévère ». Ce déséquilibre bactérien associé à des souches plus virulentes active alors l’immunité innée au niveau de la peau, favorisant la survenue des lésions inflammatoires d’acné.

Les antibiotiques topiques à éviter au maximum

Outre ce déséquilibre touchant C. Acnes, des travaux récents ont mis en évidence un dérèglement global concernant d’autres bactéries comme S. Epidermidis, et certains enterococcaceae. Toutes ces bactéries interagissent entre elles en sécrétant des vésicules extracellulaires qui contiennent des peptides antimicrobiens. En cas de dysbioses, ces dernières sont exprimées de façon anormale et concourent à la modulation et à la différentiation des kératinocytes, à la sécrétion de cytokines inflammatoires et donc à la création du micro-comédons.

Toutes ces découvertes confortent les évolutions récentes du traitement de l’acné. Alors qu’elle est encore courante en pratique, « l’utilisation d’un antibiotique topique doit être évitée le plus possible du fait de la pression de sélection sur les bactéries avec sélection de bactéries résistantes (C. Acnes, streptococcus, staphylococcus) en moins de deux semaines, prévient Brigitte Dréno. Dans les études, le peroxyde de benzoyle s’avère tout aussi efficace sur les lésions inflammatoires que l’érythromycine, sans induire de résistance ni de modification du microbiome cutané comme cela vient d’être montré chez l’adolescent. Les combinaisons fixes sont alors idéales, par exemple en associant un peroxyde de benzoyle avec un rétinoïde ». Ce n'est qu'en cas d’échec ou d’intolérance qu'un rétinoïde associé à un antibiotique local peut être envisagé.

L’isotrétinoïne peut également aggraver la dysbiose en induisant une apoptose brutale des glandes sébacées, en modifiant la différentiation des kératinocytes et le microbiome, et en favorisant le développement de S. Aureus. D’où la nécessité de traiter en parallèle le patient avec des protecteurs de la barrière cutanée dès le début du traitement.

Outre les thérapeutiques anti-acnéiques, un patient acnéique peut aggraver lui-même la dysbiose cutanée par des soins d’hygiène inappropriés : le lavage intensif et le massage de la peau altèrent la barrière cutanée et l’immunité innée, comme l’utilisation courante de savons antibactériens mais aussi d’un savon noir (très vanté sur les réseaux sociaux), dont le pH de 8 n'est pas adapté à la peau (pH 5,5) et qui augmente l’activité de la kallicréine 5 (qui favorise le dysfonctionnement de la barrière cutanée).

« Un autre changement récent des pratiques issu de ces découvertes, explique Brigitte Dréno, est la précaution désormais d’appliquer le traitement local uniquement le soir au coucher. Au matin, cela détruirait la barrière cutanée constituée par le microbiote, sous l’action du froid, du vent, du soleil, etc. Le matin, il faut appliquer une crème hydratante non comédogène pour réparer la peau. »

Dans ce contexte, plusieurs pistes thérapeutiques sont à l’étude pour rééquilibrer le microbiote cutané. « Nous avons publié en 2019 un travail montrant que le retour à la diversité du microbiome cutané inhibe l’inflammation, du moins in vitro », justifie la dermatologue.

Des crèmes de probiotiques à l’étude

Une des approches consiste à isoler des bactéries d’intérêt chez un patient acnéique donné pour fabriquer des capsules ou des crèmes de probiotiques. Autre piste : dans des études préliminaires, des cocktails de prébiotiques ont diminué le nombre des lésions. Enfin, une étude récente a évalué la tolérance de la transplantation de microbiote cutané sur le principe de la transplantation de microbiote fécal. Son efficacité sera prochainement étudiée dans l’acné.

La dermatite atopique se met aux thérapies ciblées

Dans le sillon du psoriasis, la dermatite atopique lorgne de plus en plus vers les thérapies ciblées. Le dupilumab, un anticorps monoclonal recombinant humain qui inhibe la signalisation de l’IL-4 et de l’IL-13 (deux cytokines clés dans le processus immunologique de la DA), est déjà disponible pour le traitement des formes modérées à sévères de l’adulte nécessitant un traitement systémique. De nombreuses autres molécules sont dans les startings blocks comme le tralokinumab (anti IL13) et le baricitinib (anti-JAK) en attente d’un enregistrement. D’autres molécules sont en phase III comme le lebrikizumab (anti-IL13) et le nemolizumab (anti-IL31) et plusieurs sont en développement à des stades plus précoces.

S’ils laissent espérer une meilleure prise en charge des patients, « ces nombreux développements posent aussi bien des questions, que ce soit en termes de tolérance et de coût, ou d’associations potentielles », souligne le Pr Manuelle Viguier (Hôpital Robert Debré, Reims), pour qui « les dermocorticoïdes, le méthotrexate et la ciclosporine A gardent à ce jour toute leur place dans le traitement de la dermatite atopique. »
 

Biothérapies, un risque infectieux, surtout lors de la première exposition

Selon les données d’une cohorte rétrospective de 12 000 patients (psoriasis et rhumatisme psoriasique), il existe bien un surisque infectieux (sepsis, pneumopathies, érésipèle) avec les biothérapies et notamment les anti-TNF (incidence 2.4 pour les anti-TNF, 2.1 pour les anti-IL 17, 1.3 pour les anti-Il 12-23), mais celui-ci est surtout présent chez les patients exposés pour la première fois à un biologique. Il est gommé chez ceux ayant déjà reçu plusieurs lignes de traitement.

Hélène Joubert