La non-observance est avérée, ses risques aussi

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Publié le 07/05/2024
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Une étude de la revue Diabetologia s’est intéressée aux métabolites urinaires de 79 médicaments à visée cardiométabolique. Cette méthode, précise et non invasive, a permis de montrer un cruel manque d’observance chez les patients atteints de diabète de type 2.

Crédit photo : GARO/PHANIE

La non-observance médicamenteuse est un obstacle fréquent rapporté chez les sujets avec diabète de type 2 (DT2), pouvant réduire potentiellement l’efficacité des traitements fondés sur des preuves. Les études antérieures se sont principalement appuyées sur des mesures d’observance indirectes.

Ce nouveau travail a utilisé une mesure non invasive, directe et objective - la spectrométrie de masse couplée à la chromatographie en phase liquide (LC-MS/MS) sur un recueil urinaire —, pour évaluer l’observance de 79 métabolites de médicaments à visée cardiométabolique et analyser son association avec les résultats rénaux et cardiovasculaires (CV), chez les 1 125 participants atteints de DT2 de l’étude observationnelle Provalid (1).

Un patient était classé comme totalement observant si des marqueurs de tous les médicaments prescrits étaient détectés, partiellement non-observant lorsqu’au moins un marqueur était détecté et totalement non-observant si aucun marqueur d’aucun médicament n’était détecté.

Ces résultats ont été confrontés à un critère cardiovasculaire (composite de : survenue d’un infarctus du myocarde, d’un AVC ou d’un décès d’origine CV) et rénale (composite d’une baisse soutenue de 40 % du DFGe, d’une progression soutenue de l’albuminurie, d’un traitement de remplacement rénal et d’un décès par insuffisance rénale).

Moitié des patients peu ou pas observants

Les résultats montrent que la non-observance des schémas thérapeutiques cardiométaboliques est fréquente dans le diabète de type 2 et a des conséquences négatives sur les résultats rénaux et cardiovasculaires.

Parmi les participants, 56,3 % étaient totalement observants, 42,0 % l’étaient partiellement et 1,7 % étaient totalement non-observants aux médicaments cardiométaboliques dépistés. L’observance était la plus élevée pour les antiagrégants plaquettaires et les hypoglycémiants, et la plus faible pour les agents hypolipémiants.

Sur une médiane de suivi de 5,10 [4,12-6,12] ans, c’est la non-observance des médicaments antiplaquettaires qui a le plus dégradé le risque composite cardiovasculaire (HR = 10,13 ; IC95 [3,06 - 33,56]), quand les résultats rénaux les plus mauvais étaient dus à la non-observance des médicaments antihypertenseurs (HR = 1,98 ; IC95 [1,37- 2,86]).

Un modèle d’étude

Cette étude est doublement cruciale : par la méthode d’abord, autrement plus performante et crédible que des piluliers, ou études indirectes, souvent imprécises, ainsi que par l’enregistrement des évènements cardiorénaux d’une durée d’observation importante et permettant d’assurer un suivi. Elle devrait faire école pour de futures études sur l’adhésion thérapeutiques.

Elle vient confirmer la médiocre observance des traitements, surtout des hypolipémiants. Cela souligne que, avant de s’intéresser aux innovations thérapeutiques, d’ajouter les nouveaux antidiabétiques aux effets néphro et cardioprotecteurs conformément aux recommandations, il convient de s’assurer des fondamentaux : prescrire des anti-hypertenseurs et s’assurer qu’ils soient pris ! Il en va de même pour les hypolipémiants.

Rappelons que toutes les études concernant les nouvelles molécules antidiabétiques, que ce soit sur les arGLP1 ou les iSGLT2, imposaient un traitement hypotenseur (SRA) et hypolipémiant, avec des résultats aux objectifs.

L’adhésion reste donc une priorité et l’éducation thérapeutique en particulier doit y participer.

Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes

(1) Denicolò S et al. Non-adherence to cardiometabolic medication as non-adherence LC-MS/MS in urine and its association with kidney and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes mellitus. Diabetologia. 2024 Apr 22.

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr