Des bénéfices surestimés chez les obèses normoglycémiques ?

Le bypass ne réduit la mortalité que des diabétiques

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Publié le 05/12/2017
chirurgie bariatrique

chirurgie bariatrique
Crédit photo : Phanie

L'augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC) est un facteur de risque établi de mortalité prématurée, en particulier chez les jeunes adultes d'âge moyen. L'obésité sévère (IMC ≥ 40 kg/m2) est associée à une réduction de 6,5 à 13,7 années de vie par rapport aux sujets de poids normal, bien que leur risque de mortalité diffère selon l'âge, le sexe et l’ethnie. En effet, l’obésité augmente à la fois le risque de diabète, d'hypertension, et l'hyperlipidémie, qui sont associés au développement des maladies cardiovasculaires et de la mortalité globale.

De nombreuses études suggèrent que le taux de mortalité, toutes causes, est réduit après chirurgie bariatrique : – 30 % dans l’étude suédoise SOS, – 40 % à 7 ans et – 33 % à 15 ans dans des études rétrospectives. Mais une étude danoise ne retrouvait récemment aucun bénéfice de cette nature.

Un travail sur la technique Roux en Y

Ce nouveau travail s’est donc donné pour objectif de comparer les effets d’une forme de chirurgie bariatrique, la technique Roux en Y (RYGB), chez des patients, diabétiques ou non au moment du geste, appariés à des patients, diabétiques ou non, qui n’avaient pas été opérés.

Seuls les patients opérés par la technique Roux en Y (RYGB) ont été inclus – ce qui excluait la sleeve, l’anneau gastrique ou le switch duodénal, cette dernière intervention étant plus particulièrement indiquée chez les patients super-obèses (IMC > 50 kg/m2) – à partir des 3 242 patients admissibles au geste RYGB inscrits de janvier 2004 à décembre 2015. Ils ont été appariés, selon l'âge, l'IMC, le sexe et le statut diabétique au moment de la chirurgie, et il en fut de même pour les sujets non-opérés.

Quatre groupes comparés

Sur les 3 242 patients admissibles au RYGB, 1 191 (37 %) étaient diabétiques et 2 051 (63 %) non-diabétiques au moment de chirurgie. Mais seuls 625 témoins suffisamment appariés ont pu être trouvés pour les deux groupes de diabétiques, d’où le nombre de sujets analysés : 625 avec diabète opérés et 625 non-opérés et, parmi les non-diabétiques, 1 803 opérés et 1 803 non-opérés, soit quatre groupes d’étude.

Pour disposer d’un groupe témoin des non-opérés, il a été fait appel à une base de données de patients suivis en soins primaires par le même système de santé, avec un IMC à 40 (ou 35 avec comorbidités : diabète, HTA, hyperlipidémie, ou apnée du sommeil). Cependant, les auteurs n’ont pu tenir compte des différences de motivation entre les patients qui ont choisi d’être opérés par rapport avec ceux qui étaient admissibles, mais n'ont pas subi le geste. Certains sujets témoins pourraient ne pas être admissibles à la chirurgie bariatrique à cause de contre-indications pouvant influer les taux de mortalité.

Chez les non-diabétiques, les sujets étaient un peu plus jeunes (44 vs 53 ans), les femmes plus nombreuses (87 vs 73 %), les fumeurs ou ex-fumeurs moins nombreux (seule différence significative), l’IMC était de 47, vs 45.

Le programme proposé aux patients s’apparentait aux recommandations HAS, soit une prise en charge structurée de 6 à 12 mois avec pour but une perte de 10 % du poids corporel. Le suivi postopératoire médian était de 5,8 (3,8–7,9) ans chez les patients avec diabète et 6,7 ans pour les patients non-diabétiques.

Un rebond du poids à long terme

Résultats, chez les diabétiques, l'IMC moyen au sein du groupe témoin est resté stable, à 42-44, et a diminué, 17 mois après la chirurgie RYGB à 30,3, pour augmenter, 8 ans après l'opération, 32,6.

Chez les non-diabétiques, l’IMC est resté stable dans le groupe témoin, à 46–48. Il a diminué à 29,5 chez les patients RYGB, 16 mois après la chirurgie, et lentement augmenté jusqu’à 34,4, à 8 ans en postopératoire.

Plus d’un tiers de rémissions complète du diabète

La rémission complète à 2 ans était obtenue chez 38,6 % des sujets RYGB (0,4 % des témoins), et une rémission partielle chez 58,7 % vs 1,2 %.

Une baisse de la mortalité globale portée par le statut diabétique

Pendant la période de suivi, il a été constaté 91 décès chez les patients RYGB et 138 chez les sujets témoins. Mais l’analyse montre que seule la mortalité globale des diabétiques a été réduite significativement par la RYGB, de 58 %.

Parmi ceux ayant une rémission de diabète, la baisse de mortalité totale a atteint 75 à 90 %. La mortalité, chez les patients opérés sans diabète, n'a pas été réduite par rapport à leurs témoins.

Pas de bénéfice cardiovasculaire chez les non-diabétiques

Les diabétiques opérés sont moins décédés de maladies cardiovasculaires (p = 0,011), respiratoires (p = 0,017), et de diabète (p = 0,011), par rapport aux témoins diabétiques non opérés.

Les non-diabétiques opérés sont significativement moins décédés de cancer et de maladies respiratoires que leurs témoins, mais sans bénéfice sur les décès cardiovasculaires ni la plupart des autres causes. De plus ils sont plus décédés de causes dites externes : accidents, overdoses et suicides.

Au total, cette étude confirme les grands bénéfices de la chirurgie bariatrique chez les diabétiques, mais montre qu’il faudra sûrement à l’avenir étudier ses effets selon la sévérité du diabète. Est-ce que les autres méthodes chirurgicales donnent des résultats similaires, en particulier la, très à la mode, sleeve, cela reste à préciser.

Professeur émérite. Université Grenoble Alpes (Grenoble)
(1) Mortality Risk After Roux-en-Y Gastric Bypass in Patients With and Without Diabetes. Diabetes Care 2017;40:1379-85 doi.org/10.2337/dc17-0519

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr