Redécouverte d’un processus millénaire

Les atouts de la fermentation

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Publié le 29/10/2021
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Toutes les matières premières consommables − animales et végétales, solides ou liquides − peuvent être fermentées. Outre ses effets bénéfiques pour la santé, ce procédé contribue à la sécurité alimentaire mondiale.
Les micro-organismes permettent d’augmenter la digestibilité des aliments et la biodisponibilité des minéraux

Les micro-organismes permettent d’augmenter la digestibilité des aliments et la biodisponibilité des minéraux
Crédit photo : phanie

La grande diversité des communautés microbiennes ouvre la voie à différents types de fermentation. Elle peut notamment être lactique, alcoolique ou mixte. « Il existe d’autres types de fermentations, moins connues, telles que celles dites alcalines, que l’on trouve en Asie et qui impliquent des micro-organismes spécifiques (les Bacillus, en particulier) », affirme Anne Thierry, chercheuse à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) à Rennes. Le contenu en micro-organismes des matières premières peut être plus ou moins contrôlé grâce à la pasteurisation. D’autres facteurs modifient les paramètres de fermentation : la température ou l’atmosphère de conservation, l’incubation, l’ajout de sel… Les aliments fermentés peuvent être fabriqués à la maison ou produits de façon industrielle.

Plus de 5 000 aliments dans le monde

Le lait de vache représente un exemple de la grande variété des produits qui peuvent être obtenus par fermentation : yaourt, kéfir, emmental, fromage blanc, crème fraîche... « Cette diversité, dans le cadre du lait, repose sur l’association d’une technique donnée avec des micro-organismes spécifiques. Les bactéries lactiques sont toujours présentes dans les produits laitiers fermentés mais elles peuvent être seules ou associées à d’autres types de bactéries, à des champignons filamenteux ou à des levures. Au niveau technologique, le lait peut être pasteurisé, ou caillé (grâce à l’ajout d’un coagulant). Le caillé peut être égoutté d’une façon plus ou moins poussée : cela permet d’obtenir différents types de familles de fromages », indique Anne Thierry. En outre, les conditions d’affinage (température, atmosphère et durée) sont très importantes : elles permettent le développement de micro-organismes au niveau de la croûte des fromages, notamment.

Le microbiote évolue durant toute la vie d’un produit fermenté. « Il existe plus de 5 000 aliments fermentés dans le monde. Entre 10 et 40 % de notre diète est constituée de produits fermentés. C’est variable selon les pays. Toutefois, nous n’avons pas de vision précise de la place et du type d’aliments fermentés consommés dans chaque pays. Viandes, fromages et laits fermentés sont plus spécifiquement consommés en Europe, en Amérique du Nord et en Australie. Les poissons fermentés sont prisés en Asie. Quant aux végétaux fermentés, on en trouve partout dans le monde », note Anne Thierry.

Un processus contrôlé

Les fermentations dites spontanées reposent sur des micro-organismes présents dans l’aliment brut ou sont transformées par l’environnement. Pour pouvoir contrôler le processus de fermentation des matières premières, les industriels recourent majoritairement à des ferments extérieurs. Les micro-organismes jouent un rôle clé : certains établissements, tels que le centre de ressources biologiques (CRB) de l’Inrae, sont dédiés à leur préservation.

Les micro-organismes apportent de la couleur, du goût et des arômes spécifiques aux aliments fermentés. Ils contribuent également à de potentiels effets sur la santé. Une fois ingérés, ils interagissent avec le tractus et le microbiote intestinal. Ils permettent ainsi d’augmenter la digestibilité des aliments et la biodisponibilité des minéraux. Mais aussi, à diminuer certains composés allergènes ou toxiques des aliments (lire p. 8). « Enfin, les produits fermentés contribuent de façon importante à la sécurité alimentaire mondiale. De fait, la fermentation est un procédé très simple qui permet d’allonger la durée de vie de matières premières très diverses. Elle élargit ainsi le panel de matières premières comestibles », conclut Anne Thierry.

22e entretiens de Nutrition de l’Institut pasteur de Lille

Hélia Hakimi Prévot

Source : lequotidiendumedecin.fr