De nombreux patients excluent toute trace de gluten de leur alimentation et disent s’en porter mieux. Pour autant, tous ne sont pas des malades cœliaques ni des allergiques au gluten et une nouvelle entité physiopathologique se précise, celle de l’hypersensibilité au gluten. Exposée aux Journées Francophones de Nutrition (Montpellier, 30 nov-02 déc 2016), elle reste pour le moment un diagnostic d’élimination.
Par effet de mode ou comme solution de dernier recours pour limiter des troubles à type de syndrome de l’intestin irritable parfois très handicapant, de nombreuses personnes suppriment de leur alimentation le gluten, terme générique désignant les protéines des céréales (blé, orge, seigle avoine) comme la gliadine. Elles s’en trouvent soulagées mais toutes ne sont pas, loin de là, d’authentiques malades cœliaques. Une petite frange d’entre elles serait plutôt « hypersensible au gluten ». Avec quatre consensus internationaux parus entre 2011 et 2014, les contours de cette « intolérance au gluten non cœliaque » décrite en 2009 pour la première fois se dessinent, même si de nombreuses zones d’ombre demeurent.
Une physiopathologie à part
Ainsi, du côté des mécanismes physiopathologiques à l’origine de l’hypersensibilité au gluten non cœliaque, il n’y a que peu de certitudes. Ils se distinguent de ceux de la maladie cœliaque et de l’allergie au gluten et se rapprocheraient plus des anomalies observées dans les MICI ou le syndrome de l’intestin irritable (SII), qui font toutes deux intervenir, à des degrés divers, plusieurs facteurs tels que l’inflammation de la muqueuse, une perméabilité intestinale accrue ou une perturbation de la composition du microbiote intestinal (dysbiose). Il a été montré qu’il existait une perméabilité intestinale accrue dans l’hypersensibilité au gluten, sans pouvoir, pour l’instant, préciser si elle est à l’origine de cette pathologie ou un simple marqueur de ses conséquences.
PROTÉINES OU SUCRE DU BLÉ, QUI EST L'ENNEMI ?
Gluten ou FODMAPs ? Une bonne part des personnes soulagées de leurs troubles intestinaux par un régime sans gluten pourraient être en réalité intolérantes aux glucides du blé, comme les fructo-oligosaccharides, reconnus comme FODMAPS. Il s’agit d’un acronyme (Fermentable Oligo-, Di-, Monosaccharides And Polyols) dérivé des noms d’une série d’aliments dont les effets physiologiques ont été retrouvés chez les patients souffrant d’un tableau d’intestin irritable. En se privant d’aliments contenant du gluten, elles se privent par la même occasion de ces glucides potentiellement fermentescibles. Plutôt qu’une restriction stricte, il suffit que les patients identifient les quantités supportables des aliments en contenant (du lactose aux monosaccharides comme le fructose et aux polyols de certains fruits en passant par les oligosaccharides de certains légumes verts ou céréales). Globalement, ce « régime pauvre en FODMAPs » améliorerait les symptômes du syndrome de l’intestin irritable chez au moins la moitié des patients.
Une définition encore vague
Une définition – assez vague – a vu le jour dans le dernier consensus : il s’agit d’une « entité clinique au cours de laquelle l’ingestion de gluten entraîne des symptômes digestifs ou extra-digestifs qui régressent sous régime sans gluten. »
Sa prévalence reste approximative, entre 0,5 % et 6 % de la population selon les études. Rare chez l’enfant, elle se rencontre essentiellement chez les femmes (rapport 5 :1) dans leur
4e décennie.
Les symptômes digestifs au 1er plan
La présentation clinique de l’hypersensibilité au gluten est désormais mieux cernée. Les symptômes digestifs occupent le premier plan. « Il s’agit de douleurs, d’inconfort abdominal et de ballonnements dans plus de 80 % des cas, de troubles du transit (diarrhée, constipation ou alternance des deux) dans un cas sur deux, de troubles digestifs hauts (nausées, reflux gastro-œsophagien, vomissements, aérophagie) dans 30 à 50 % des cas, énumère le Dr Corinne Bouteloup, gastro-entérologue-nutritionniste (CHU Estaing, Clermont-Ferrand). Les symptômes digestifs n’ont rien de spécifique et peuvent faire évoquer des troubles fonctionnels ». Des symptômes extra-digestifs peuvent aussi coexister comme une fatigue et une faiblesse liées ou non à une anémie, des manifestations neuropsychiatriques (céphalées, léthargie, engourdissement, anxiété, troubles de l’humeur comme des syndromes dépressifs chez 30 à 50 % des patients), des troubles musculo-squelettiques et même des manifestations cutanées (rash, eczéma, prurit).
Un diagnostic d’élimination
En l’absence de marqueur diagnostique, la sensibilité au gluten non cœliaque reste à ce jour un diagnostic d’élimination. La démarche diagnostique a été codifiée dans le dernier consensus en vigueur. La première étape est d’éliminer une allergie au blé ou au gluten de blé (dosage des IgE, prick test et patch test) et une maladie cœliaque (dosage de l’anticorps immunoglobuline A anti-transglutaminase, dosage pondéral des IgA, biopsies duodénales, +/- typage HLA DQ2 et DQ8).
Un régime à vie ?
Le cas échéant, la démarche est alors de tester un régime sans gluten pendant six semaines rythmées par une évaluation hebdomadaire des symptômes digestifs et extra-digestifs. « Si leur réponse à l’éviction totale est complète, alors l’hypersensibilité au gluten est fortement probable, en particulier en cas de récidive lors de la réintroduction de doses minimes de gluten, explique Frank Zerbib (service d’Hépato-Gastro-Entérologie et Oncologie digestive, CHU Bordeaux) même si d’autres protéines du blé, encore peu connues, peuvent être impliquées. En revanche, si l’amélioration est partielle, sur certains symptômes comme les ballonnements ou les douleurs, et que la consommation de faibles doses d’aliments contenant du gluten est possible, une intolérance aux sucres fermentescibles (FODMAPs) est plus plausible (cf encadré), une entité clinique bien plus prévalente que l’hypersensibilité au gluten ».
Quelle que soit la pathologie suspectée (hypersensibilité au gluten ou à d’autres protéines du blé, intolérance aux FODMAPs) tout régime doit être prescrit dans le cadre d’une pathologie documentée et d’un suivi diététique. Car il est bien question chez les vrais hypersensibles au gluten de supprimer cette protéine de l’alimentation, à l’instar du régime des malades cœliaques, exposant à un risque de déséquilibre nutritionnel. Sauf que, dans le cas de l’intolérance au gluten non cœliaque, le caractère strict du régime et sa durée ne sont pas encore tranchés. Le fait que les marqueurs de stimulation de l’immunité innée et adaptative chutent après six mois d’éviction suggère peut-être la possibilité d’une réintroduction du gluten. À quel niveau d’apport ? Pourra-t-on alors espérer une guérison ? Autant de questions restant en suspens.
CANCER DU SEIN : L'INTÉRÊT DU PROFILAGE NUTRITIONNEL
Dis-moi ce que tu manges je te dirais quel est ton risque de cancer du sein… Selon une analyse tirée de Nutrinet présentée aux Journées francophones de nutrition, l’utilisation d’un score de profilage nutritionnel – comme le score FSA-NPS – pourrait permettre de prédire le risque de cancer du sein en lien avec l’alimentation. Le FSA-NPS, développé au Royaume-Uni, attribue bons points et mauvaises notes aux aliments ; les glucides, les acides gras saturés, l’énergie et le sodium étant cotés négativement, au contraire des fibres, protéines et fruits et légumes.
Selon une analyse menée sur 46 864 femmes de la cohorte de Nutrinet-Santé avec suivi médian de 4 ans, un score FSA-NPS élevé (témoignant d’une qualité nutritionnelle médiocre) serait corrélé à une incidence augmentée de 52 % de cancer du sein. Cette tendance rejoint les précédentes études publiées. Des bémols existent : plusieurs facteurs confondants ont été pris en compte, mais ils sont néanmoins potentiellement nombreux et cette étude se fonde sur du volontariat. à noter que le Nutri-Score (système d’étiquetage nutritionnel simplifié sur les emballages) testé actuellement en France s’appuie sur ce FSA-NPS.
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Mange-t-on plus sain en cas de cancer du sein ? Suite à l’annonce d’un cancer du sein, seules les femmes de statut socio-économique élevé modifient favorablement leur alimentation. Et même chez elles, seule la quantité de fruits est augmentée (55 223 femmes de la cohorte française E3N).
Bisphénol : le S aussi dangereux que le A ? Le bisphénol A a été interdit en 2015. Le bisphénol S qui l’a remplacé dans de nombreux produits est sur le banc des accusés avec un signal inquiétant de prédiabète (insulinorésistance) chez des rats après exposition fœtale et néonatale.
Plus de folates, moins de démences 53 % de risque en moins de démences chez les plus gros consommateurs de vitamine B9 comparé aux plus faibles selon la cohorte bordelaise des 3-CITES. Aucun lien en revanche avec les apports en vitamine B6 et B12.