Endocrinologie

Personnes trans : des parcours sur mesure pour l'hormonothérapie

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Publié le 15/09/2023
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Les parcours de transition hormonale des personnes trans, pris en charge par des équipes hospitalières pluridisciplinaires, relèvent de plus en plus du sur-mesure. La Haute Autorité de santé travaille à une évolution des recommandations et la Société d’endocrinologie en attend une meilleure coordination ville-hôpital.
La Haute Autorité de santé travaille à améliorer la visibilité des spécialités dans le parcours de transition

La Haute Autorité de santé travaille à améliorer la visibilité des spécialités dans le parcours de transition
Crédit photo : DAVID MACK/SPL/PHANIE

Alors que le gouvernement a saisi la Haute Autorité de santé (HAS) pour faire évoluer les recommandations sur les parcours de transition des personnes trans, un groupe de travail s’est mis en place au sein de la Société française d’endocrinologie (SFE) avec des professionnels engagés dans la prise en charge des personnes trans. L’objectif est d’améliorer la visibilité de ces spécialités et d’optimiser ainsi le parcours de transition hormonale, explique la Dr Frédérique Albarel, endocrinologue à Marseille, membre du groupe de travail de la SFE.

Les prises en charge sont assurées par des équipes hospitalières pluridisciplinaires associant endocrinologues, psychiatres, psychologues, gynécologues, urologues et plasticiens, rarement en ville où les parcours ne sont pas définis. Ces équipes, notamment présentes à Paris, Lyon, Bordeaux, Lille, Marseille ou encore Caen, mettent en place des parcours de plus en plus personnalisés, que ce soit pour les traitements hormonaux ou la chirurgie de féminisation ou de masculinisation.

Conservation des gamètes

Ces prises en charge démarrent par un bilan d'absence de contre-indication au traitement hormonal. « Il est nécessaire de s’assurer qu’il n’y a pas de contre-indication médicale stricte à la prescription de certaines hormones pour guider l’initiation du traitement », indique la Dr Albarel. Il s’agit le plus souvent de précautions justifiant une adaptation que de contre-indications « strictes ». Pour les femmes trans, les précautions peuvent être métaboliques, thrombotiques, cardiologiques ou hépatiques. Pour les hommes trans, « il faut être vigilant au niveau des globules rouges (polyglobulie), mais aussi surveiller les antécédents personnels ou familiaux de thrombose ou de problèmes hépatiques voire cardiologiques », poursuit l’endocrinologue.

En amont du traitement, la question de la conservation des gamètes est également abordée. « Le traitement hormonal n’est le plus souvent pas irréversible en termes de fertilité, mais il peut, ponctuellement, voire définitivement s’il y a chirurgie, altérer la fertilité ultérieure », précise Frédérique Albarel. Même si l’utilisation des gamètes, dont l’autoconservation a été ouverte par la loi de bioéthique, n’est pas encore possible, les personnes trans sont orientées vers une consultation dans un Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos) afin d’engager la discussion et de permettre une décision éclairée.

Ensuite, sur la base des premiers bilans réalisés et après une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), le traitement peut débuter. Parmi le panel de prises en charge possibles, le choix du traitement le mieux adapté est réalisé avec le patient « selon la temporalité voulue, l’âge et les comorbidités, mais surtout selon les attentes », détaille l’endocrinologue.

Lors de la première année, les consultations de suivi sont réalisées tous les trois à quatre mois afin de surveiller la tolérance clinique et biologique du traitement et s’assurer de l'efficacité. Dans les parcours transmasculins, l'hormonothérapie principale repose sur la testostérone. Pour les femmes trans, deux familles de médicaments sont principalement utilisées : les anti-androgènes et les œstrogènes. L’intérêt de l’ajout de progestérone est discuté, « en l’absence de données objectives dans la littérature à ce jour », souligne la Dr Albarel.

Une transition médicale mais aussi sociale

Un suivi psychologique est le plus souvent proposé en parallèle de l’hormonothérapie pour accompagner la transition, qui est physique, mais aussi sociale. « Le démarrage du traitement hormonal correspond en général à la période où les personnes changent de prénom, annoncent leur volonté de transition à leur entourage et dans leur milieu professionnel, effectuent les démarches de modification de l’état civil. C'est une période complexe », juge Frédérique Albarel.

Après stabilisation de l’hormonothérapie, si elles le désirent, les personnes sont accompagnées vers la chirurgie. « Toutes ne se font pas opérer, souligne l’endocrinologue. Il n’y a pas de timing imposé, pas de règles strictes. Le rôle de l’équipe pluridisciplinaire est surtout d’informer et d’être à l’écoute de leurs besoins ». Certaines femmes peuvent être satisfaites de la croissance mammaire stimulée par les œstrogènes, quand d’autres veulent une intervention assez rapidement. « La croissance et les tensions mammaires peuvent durer jusqu’à deux ans, on prévient donc les femmes de ce risque si elles désirent se faire opérer plus précocement », indique-t-elle.

Chez les hommes, la temporalité est différente. Au bout de six mois, les règles ont le plus souvent disparu. L’apparence et la voix se masculinisent, même si la pilosité peut se développer jusqu’à plusieurs années après le début du traitement. « Certains prennent des microprogestatifs au tout début du traitement pour éviter d’avoir des règles », précise la Dr Albarel. Chez les hommes, l’intervention chirurgicale la plus attendue est la mastectomie. La prise en charge chirurgicale est le plus souvent organisée dès la première année. Les chirurgies pelviennes (hystérectomie, annexectomie) puis la phalloplastie interviennent plus tard. « La phalloplastie est une intervention lourde, avec de longues listes d’attente en France car très peu de chirurgiens la pratiquent », poursuit l’endocrinologue.

À long terme, le suivi clinicobiologique s’espace progressivement. D’une consultation tous les trois ou quatre mois, les patients passent graduellement à un suivi annuel, avec si possible un relais en ville. Mais les professionnels ne sont pas toujours formés. « Des endocrinologues non spécialisés nous sollicitent régulièrement. Les former est essentiel pour optimiser la prise en charge et la constitution d’un réseau ville-hôpital », estime la Dr Albarel. Cette articulation entre ville et hôpital est un des axes que travaille la HAS pour améliorer les parcours de transition. Sa note de cadrage précise que les travaux visent notamment à « statuer sur la place de la médecine de ville dans le parcours de soins et ses modalités (notamment place de l’hormonothérapie) ».


Source : Le Quotidien du médecin