Entretien avec le président du groupe EVADIAC*

Pr Éric Renard : « Après l’arrêt des pompes Medtronic,  on en espère de nouvelles d’ici à trois ans »

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Publié le 16/04/2021
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La société Medtronic s’apprête à arrêter définitivement la production de ses pompes implantables MiniMed. Le Collectif des diabétiques implantés s’inquiète du manque d’alternative satisfaisante. Le Pr Éric Renard, diabétologue au CHU de Montpellier et président du groupe EVADIAC*, fait le point sur la situation.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Medtronic devait initialement arrêter la production de ses pompes en juin 2019 puis finalement en juin 2020. Qu’en est-il aujourd’hui ? Et comment attribuer les pompes restantes ?

Pr ÉRIC RENARD : Medtronic va fabriquer les dernières pompes dans les mois qui viennent. La production a été ralentie par la crise sanitaire liée au Covid, mais actuellement, quand l’indication est validée et la pompe commandée, on la reçoit. Néanmoins, le nombre de pompes disponibles, et à venir, est limité à une quinzaine et nous oblige à faire une sélection des patients pour réserver les pompes à ceux qui en ont le plus besoin.

Le dossier des patients dont la pompe arrive en fin de vie est analysé en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) par les médecins des centres EVADIAC* de manière à évaluer s’ils ont un besoin impératif d’avoir une pompe implantable. Les patients qui en ont besoin en priorité sont ceux qui ont des problèmes d’absorption d’insuline par la peau.

Certains patients ont été implantés en raison d’hypoglycémies sévères récurrentes. Pour ces derniers, on peut tester le pancréas artificiel 780G de Medtronic. En compensation, la société s’est en effet engagée à mettre gratuitement à leur disposition le dispositif, alors que jusque-là, le 780G était réservé aux essais cliniques. Pour la plupart, c’est une solution satisfaisante, mais il y en a d’autres qui peuvent avoir des problèmes de tolérance des cathéters ou d’absorption d’insuline. Le dossier doit alors être rediscuté en RCP.

À noter qu’à partir du moment où une pompe est implantée, Medtronic a l’obligation de fournir pour une durée de 10 ans les pièces de rechange, c’est-à-dire les cathéters et les programmateurs. Et c’est aujourd’hui effectif, même s’il a pu y avoir à un moment un retard dans la production des pièces.

Combien de patients sont concernés par ces pompes implantables en France ?

On compte environ 250 patients actuellement sous pompe implantable et on estime qu’il y en a 100 pour qui la pompe devrait ne plus fonctionner d’ici à 2023. Pour les deux à trois ans à venir, on devrait a priori pouvoir répondre aux besoins des patients les plus sévères. Mais il faut voir dans la réalité comment cela va se passer.

À quoi correspond cette échéance de deux à trois ans ?

C’est une échéance d’espoir. Deux sociétés développent actuellement des prototypes de pompes implantables, l’américaine PhysioLogic Devices et la hollandaise Baat Medical. Medtronic a rendu accessible à ces deux sociétés le mécanisme de sa pompe MiniMed. Mais ces petites sociétés doivent mener des levées de fonds pour le développement. Si elles réussissent, ces nouvelles pompes implantables pourraient être testées dans le cadre d’essais cliniques en France d’ici à deux ou trois ans.

Cette solution représente la meilleure option pour les patients, malheureusement, nous ne pouvons avoir aucune certitude. Ce n’est pas le rôle de l’État de financer ces sociétés.

En dehors du pancréas artificiel 780G, quelles sont les autres options ?

Il existe des alternatives, comme la greffe d’îlots de Langerhans, qui est désormais remboursée en France. Les patients éligibles pourraient en bénéficier. Et en France, nous avons aussi le système Diaport de Roche, un dispositif externe permettant l’insulinothérapie intrapéritonéale. Mais ce n’est pas parfait, car il peut y avoir des complications, notamment infectieuses.

D’autres sociétés développent des cathéters complètement implantés sous la peau et qui pourraient être connectés à des pompes externes. Cela répondrait à la demande, car l’insuline est délivrée dans le péritoine comme pour les pompes implantables.

Pour le Collectif des diabétiques implantés, ces solutions sont loin d’être satisfaisantes…

D’un point de vue médical, l’urgence, c’est de contrôler le diabète. Le recours à un cathéter péritonéal ou à une greffe d’îlots résout le problème du traitement du diabète. Mais en termes de qualité de vie, c’est autre chose. Et pour les patients habitués aux pompes implantables, ces alternatives ne sont pas satisfaisantes.

La situation est compliquée. On est dans un monde capitalistique où le développement de dispositifs de santé dépend des financements des sociétés. Et ni les médecins ni l’État ne peuvent intervenir directement. En revanche, la France s’est engagée à faciliter la réalisation des essais cliniques, en n’exigeant pas le marquage CE pour ces nouveaux dispositifs une fois mis au point.

La meilleure chose que le collectif puisse faire, c’est de témoigner du bénéfice de ces dispositifs pour que les financeurs potentiels aient envie d’investir. Grâce au mouvement du Collectif, les responsabilités ont été prises aussi bien par Medtronic que par l’État.

*Évaluation dans le diabète du traitement par implants actifs

Propos recueillis par Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin