Pr Pierre Michelet (projet Obedive) : « La plongée a un effet antistress pérenne dans l'obésité »

LE QUOTIDIEN : Vous êtes l'investigateur principal d'Obedive. Dans quel but a été mené cet essai clinique ?

Pr PIERRE MICHELET : L’objectif de cette étude prospective randomisée, réalisée en collaboration avec les universités de Montpellier-Nîmes et d’Aix-Marseille, est de comparer l’efficacité d’une prise en charge classique à celle d'un protocole innovant de plongée thérapeutique sur le stress, auprès de 66 patients en situation d’obésité. La prise en charge classique associe notamment diététique et approche psychologique. Les patients du groupe expérimental ont bénéficié, en plus, d'une série de plongées suivie d'une exposition d'un mois à des séances de reviviscence des plongées grâce à un dispositif breveté incluant la réalité virtuelle.

Quels sont les premiers résultats obtenus et en quoi, selon vous, sont-ils nouveaux ?

Selon l’échelle Perceived Stress Scale (PSS) de Cohen et Williamson, les différences en termes de stress sont significatives. Au début de l’étude, les participants des deux groupes présentent un score très élevé, au-dessus du seuil de 26 qui correspond à un niveau de stress pathologique, impactant la santé physique et psychique.

À un mois, les participants du groupe expérimental, à l’issue des plongées, repassent sous ce seuil, tandis que ceux du groupe contrôle restent au-dessus. Et à deux mois, après les séances de reviviscence, les effets se renforcent, le score des premiers continuant à baisser, celui des seconds étant inchangé. C’est une première, la pérennisation des effets étant le talon d’Achille de la recherche actuelle sur le stress.

Quels enseignements peut-on en tirer pour la prise en charge des patients obèses ?

Ces premiers résultats - qui sont significatifs (p = 0,0001) - confirment l’intérêt d’une approche thérapeutique non exclusivement centrée sur la perte de poids. Une prise en charge de l’obésité principalement axée sur cet objectif peut s’avérer un échec sur le moyen-long terme avec des reprises de poids et un état psychologique non amélioré. Pour éviter ce cercle vicieux, les spécialistes ont intégré la nécessité d’accompagner les patients de manière globale, en incluant l’alimentation émotionnelle et ce stress pathologique qui s’installe. Réduire le stress permet de retrouver un équilibre qui favorisera une perte de poids pérenne et la baisse des risques associés. Mais des progrès restent à faire.

Quels sont les principaux mécanismes en jeu avec ce protocole de plongée et la réalité virtuelle ?

Le protocole Bathysmed créé par Frédéric Bénéton, polytechnicien, et Vincent Meurice, moniteur expert et sophrologue, allie les dernières connaissances en physiologie et psychologie aux techniques de méditation de pleine conscience et de sophrologie.

L’immersion a un effet apaisant et libère les patients de la sensation de poids. La respiration avec un détendeur est mécaniquement ample et profonde et la plongée s’accompagne de modifications cardiovasculaires. Ces facteurs influent sur le système neurovégétatif, améliorant la cohérence cardiaque. De plus, l’élément aquatique décuple les effets des techniques utilisées. Le masque de réalité virtuelle, qui reproduit les conditions de plongée, avec un système de détendeur permettant de voir et d’entendre sa respiration, permet la pérennisation et le renforcement des effets.

Des séances de plongée thérapeutique peuvent-elles être prescrites ?

En 2019, le gouvernement a lancé une stratégie nationale sport santé. La loi du 2 mars 2022 a ouvert la prescription d’activité physique adaptée à l’ensemble des médecins et élargi le champ d’application aux personnes atteintes de maladies chroniques ou présentant des facteurs de risque, ainsi qu’aux personnes en perte d’autonomie. Depuis 2020, la plongée subaquatique, référencée par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et listée dans le Médicosport-santé, est accessible sur prescription médicale. La question d’une prise en charge par l’Assurance-maladie reste ouverte, mais certaines mutuelles proposent une prise en charge financière.

Quels sont les perspectives et les autres champs d’application possibles ?

C’est la première fois que le protocole Bathysmed, qui avait été testé lors d’essais cliniques avec des rescapés d’attentats et des militaires blessés psychiques, prouve ses bénéfices sur le stress dans l’obésité. Ces résultats préliminaires, qui seront enrichis pour publication, sont très encourageants. La plongée thérapeutique peut potentiellement apporter des bénéfices dans de nombreuses pathologies. Parmi nos projets, nous souhaitons mener des essais cliniques d’efficacité sur le burn-out et auprès d’enfants hospitalisés en oncopédiatrie. Chez ces derniers, les séances de réalité virtuelle précéderont les plongées réelles, accessibles en phase de rémission.

Photos Bathysmed