Utilisé de façon avisée

Quand l’élevage est positif

Publié le 07/07/2023
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Pointé du doigt en raison des émissions de méthane des ruminants et de leur effet sur le réchauffement climatique, l’élevage a néanmoins un rôle à jouer pour que l’agriculture soit durable. C’est en augmentant les services rendus et en minimisant les effets négatifs que l’agriculture devient durable. Or, l’élevage apporte différents services, indispensables au bon fonctionnement de l’agroécosystème.

Crédit photo : GARO/PHANIE

« Le dernier rapport de la Cour des comptes, qui recommande ‘une réduction importante du cheptel bovin’, nous a un peu interloqués car il apporte des réponses trop simplistes à un problème qui ne l’est pas. La question de l’équilibre entre élevage et agriculture est loin d’être évidente ! », souligne René Baumont, directeur de recherche à Inrae et directeur du groupement d’intérêt scientifique (GIS) Avenir Élevages, dont l’ambition est de diffuser de nouvelles connaissances et innovations pour un élevage créateur de valeur ajoutée. « Les bovins sont responsables de 10 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), détaille-t-il. Il ne s’agit pas de minimiser ce chiffre : cela représente la moitié des GES totales de l’agriculture. Cependant, on ne peut avancer sur ce sujet en prônant la réduction pure et simple des cheptels. »

Fertilisants organiques

Les animaux d’élevage contribuent aux effets négatifs mais également positifs de l’agriculture sur l’environnement. « Si on veut une agriculture qui utilise moins d’intrants de synthèse, on ne peut se passer d’élevage. Aujourd’hui, 40 % des fertilisants utilisés en France sont organiques, qui proviennent des déjections de ces animaux, ajoute René Baumont. L’agriculture bio, dont le cahier des charges interdit l’usage d’intrants de synthèse, recourt ainsi largement aux fertilisants issus de l’élevage, en particulier des bovins. » L’élevage permet donc la fertilisation organique, ce qui contribue à une moindre utilisation d’intrants de synthèse.

Plus méconnu, les animaux peuvent permettre de réduire l’utilisation de pesticides. « Si des moutons se trouvent sur une parcelle de blé à l’automne ou durant l’hiver, cela va avoir des effets bénéfiques sur les maladies du blé et limiter ensuite l’utilisation de traitements phytosanitaires. C’est une vraie question scientifique, sur laquelle nous menons des recherches », souligne l’expert.

Prairies et entretien du territoire

Un second point important, lié aux ruminants, concerne la gestion des espaces et la biodiversité. « 40 % de la surface agricole utile en France se présente sous forme de prairies semées ou permanentes, et d’estives ou d’alpages, qui n’existent, et ne sont entretenues, que grâce à la présence d’animaux. La valorisation de ces territoires repose d’abord sur l’élevage des ruminants, complète le chercheur. Or, ces prairies, les arbres et les haies sont essentielles car elles stockent du carbone, qui atténue le changement climatique, et contribuent à la biodiversité, à la beauté des paysages. » Pour le GIS Avenir Élevages, le problème réside dans la « surspécialisation » des territoires : « on a mis de l’élevage ici, des cultures là. On en voit aujourd’hui les limites : pour bénéficier de tous les services apportés par l’élevage à l’agriculture, il faut les associer dans les territoires. Pour boucler le cycle du carbone, le cycle de l’azote, il faut coupler les deux. » Il ne s’agit pas de revenir à l’agriculture d’il y a 50 ou 100 ans mais d’utiliser les techniques d’aujourd’hui pour revenir à davantage de mélange, plaide le GIS Avenir Élevages. « Ce n’est pas simple, mais c’est possible », ajoute René Baumont.

Valorisation des coproduits

Les animaux permettent aussi de valoriser la partie des cultures qui n’est pas utilisée pour l’alimentation humaine. « Dans un kilo de blé, il y a des résidus qui ne serviront pas à notre alimentation mais qui pourront être recyclés pour celle des animaux. Sans élevage, ces coproduits deviendraient des déchets », souligne le chercheur.

Pour que l’alimentation animale soit durable, il faut privilégier l’herbe pour les ruminants, utiliser les coproduits végétaux pour tous les animaux et limiter les importations de soja. Cela nécessite de la volonté et une action importante des éleveurs sur ces questions.

Enfin, toujours en évoquant les services rendus par l’élevage, René Baumont tient à rappeler « la qualité des produits animaux, riches en acides aminés essentiels, en micronutriments et en vitamines. Même si nous pouvons réduire leur quantité dans notre alimentation, on ne peut pas s’en passer totalement, en particulier pour les enfants en croissance, les femmes enceintes et qui allaitent, les personnes âgées. »

Exergue : « La question est loin d’être évidente ! »

www.gis-avenir-elevages.org

Alice Aubin

Source : lequotidiendumedecin.fr