Une entrée timide des nouveaux antidiabétiques

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Publié le 20/05/2021

Pour les pays qui en disposent depuis plusieurs années, les nouveaux antidiabétiques n’ont pas été immédiatement adoptés par les prescripteurs en soins primaires. Un décalage par rapport aux recommandations qui laisse pour l’instant la part belle aux anciennes molécules.

Crédit photo : phanie

Depuis la diversification de l’offre thérapeutique dans la prise en charge glycémique du diabète de type 2 (DT2), c’est-à-dire la venue sur le marché des iDPP4, des arGLP1 et ensuite des iSGLT2, le praticien dispose d’un choix diversifié, et si possible individualisé. Les bénéfices cardiovasculaires (CV) des arGLP1 et des iSGLT2, ainsi que les bénéfices rénaux de ces derniers, ont incité les experts à les recommander chez des DT2 présentant des complications ou comorbidités ; à quoi s’ajoutent les effets pondéraux de ces deux classes. Il est donc intéressant de connaître l’évolution des prescriptions des antidiabétiques dans les pays qui disposent de ces médicaments depuis un certain nombre d’années. Quatre d’entre eux, le Canada, l’Angleterre, l’Écosse et l’Australie, ont publié leurs données sur l’évolution des prescriptions en soins primaires, entre 2012 et 2017, chez 238 619 patients inclus en 2017 (1).

Il est particulièrement intéressant de connaître, d’une part, la place prise par les iSGLT2 par rapport aux iDPP4 dans les bithérapies avec la metformine et, d’autre part, celle qu’occupent les sulfamides hypoglycémiants (SU) face à cette nouvelle offre thérapeutique.

Le constat général est d’abord un recul des bithérapies metformine + SU. Les bithérapies metformine + iDPP4 prennent au contraire une place croissante (de 10 à 20 %). Si la prescription des iSGLT2 croit, leur place reste modeste, de 4 à 9 %. Les arGLP1 restent en revanche très peu prescrits en association à la metformine (≤ 1 %).

Au total, si les SU reculent partout, dans trois pays sur quatre ils restent en tête (surtout en Angleterre), avec de 13 à 28 % des prescriptions, sauf en Australie. Les consensus actuels (ADA, EASD), qui mettent en avant les iSGLT2 et les arGLP1 dès la bithérapie, pour leurs effets CV et/ou rénaux, n’avaient donc en 2017 guère affecté les attitudes de prescription des MG dans ces pays. Qu’en sera-t-il quatre ans plus tard, en 2021 ?

Des difficultés plus grandes encore en France

Ce travailillustre peut-être la difficulté de faire passer des messages en soins primaires, à modifier les habitudes de prescription, mais sans doute aussi des réticences à recourir aux nouveaux médicaments, surtout aux injectables, dès le début de la maladie. Toutes choses compréhensibles.

Quant à notre pays, nous ne disposons pas de données publiées, et de toute façon les iSGLT2 ne sont sur le marché en France que depuis avril 2020 et leur prescription est réservée aux diabétologues. On peut imaginer les difficultés de cette classe à trouver une place, malgré des bénéfices avérés sur les glycémies, le poids et la protection en particulier rénale. Pourtant le rein étant bien identifié aujourd’hui par les MG comme un problème sérieux des DT2, et de plus en plus dépisté.

 

Professeur Emérite, Université Grenoble-Alpes 

(1) Greiver M, Havard A, Bowles et al. Trends in diabetes medication use in Australia, Canada, England, and Scotland : a repeated cross-sectional analysis in primary care. Br J Gen Pract 2021 ;71:e209-e218. doi: 10.3399/bjgp20X714089

 

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr