Plusieurs travaux en cours

Une place pour d'autres thérapies avec l’insuline ?

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Publié le 05/09/2018
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Crédit photo : PHANIE

Malgré de très nombreux progrès dans le traitement du diabète de type 1 (DT1) — nouvelles insulines, capteurs glycémiques, pompes à insuline, objets connectés, etc. —, il demeure que de nombreux patients gardent de grandes difficultés à atteindre les objectifs thérapeutiques et, lorsqu’ils les atteignent, ont un risque élevé d’hypoglycémies, de prise du poids et une grande variabilité glycémique. Une des solutions envisagées depuis quelque temps est d’associer à l’insulinothérapie des antidiabétiques habituellement indiqués chez les DT2, comme les agonistes du récepteur du GLP1 (arGLP1) ou des inhibiteurs des SGLT2 (iSGLT2).

En effet, les deux ont des mécanismes d’action totalement différents, complémentaires, possiblement synergiques et indépendants de l’action de l’insuline. Ils offrent la possibilité de réduire la variabilité des glycémies, d’abaisser les niveaux glycémiques moyens tout en diminuant les doses d’insuline, sans effet indésirable direct, et sont globalement bien tolérés. Ils peuvent, de plus, réduire plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire en réduisant le poids, la pression artérielle, voire les lipides.

Un mécanisme d’action indépendant et peut-être complémentaire

DEPICT 2 est une étude multicentrique internationale, pilotée et présentée au congrès de l’ADA par Chantal Mathieu (1), faisant suite à DEPICT 1, qui avait duré 24 semaines. Elle a suivi, cette fois pendant 52 semaines, 823 patients DT1 dans 17 pays, répartis en 3 groupes : dapagliflozine 5 mg/j, dapagliflozine 10 mg/j et placebo.

À 24 semaines, on note une réduction de l’HbA1c de 0,36 et 0,42 % respectivement aux deux doses de dapagliflozine (contre près de 0,6 % dans DEPICT1), assortie d’une diminution de 10 % des doses d’insuline (près de 13 à 15 % dans DEPICT 1) ainsi que de l’IMC, de 3,21 % et 3,74 % respectivement.

Un problème majeur et bien connu subsiste : le risque d’épisodes de cétose ou d’acidocétose rapportés sous gliflozines, ici 5 ou 6 épisodes pour 100 patients-année, soit 6 et 7 cas pour 280 sujets dans chaque groupe sous dapagliflozine, dont un seul sévère dans chaque groupe, et aucun cas rapporté dans le groupe placebo.

Au total, les données étaient un peu plus favorables à 24 semaines dans DEPICT 1. Interrogée sur ces résultats, l’autrice a insisté sur les réels bénéfices obtenus avec l’adjonction de dapagliflozine. Quant aux quelques cas d’acidocétose, elle a reconnu cette réalité et affirmé qu’il faudra à l’avenir vivre avec ce risque potentiel, à surveiller, et le mettre en balance avec les avantages important du traitement.

Julio Rosenstock a par ailleurs rappelé dans une présentation de synthèse qu’il semble bien exister une place pour les gliflozines dans le DT1. Sous empagliflozine, on retrouve les effets bénéfiques de la dapagliflozine décrits ci-dessus (baisse de l’HbA1c, du poids, des besoins en insuline sans accroissement des hypoglycémies modérées ou sévères), avec un risque d’acidocétose aux fortes doses seulement, de10 et 25 mg/j, et non à 2,5 mg/j. Toutefois, en réalité, la faible dose (2,5 mg) ne devrait sûrement pas être utilisée en pratique. Les résultats détaillés seront présentés à l’EASD ce mois-ci.

Pas d’avantage au double blocage SGLT1/2

Autre étude présentée au congrès, TANDEM 1, a porté sur des sujets ayant un DT1, répartis en trois groupes de 260 personnes, placebo, sotagliflozine 200 et 400 mg, et suivis pendant 52 semaines.

La sotagliflozine est le premier double inhibiteur SGLT2/SGLT1. Son action porte à la fois sur le tubule rénal, où il favorise la glycosurie par blocage des SGLT2, et sur le grêle, où l’inhibition des récepteurs SGLT1, qui permettent l’absorption du glucose et du galactose, vise à réduire les glycémies, en particulier postprandiales.

On retiendra que les résultats sont superposables à ceux rapportés plus haut avec la dapagliflozine : même baisse de l’HbA1c et des doses d’insuline, perte de poids et même fréquence des acidocétoses. Les patients DT1 seraient cependant plus longtemps dans les cibles glycémiques sous sotagliflozine.

Au total, si on voit bien le potentiel thérapeutique de ce double blocage, à la lumière de ces données, il ne présente pas vraiment d’avantage pour le sujet DT1 par rapport au seul blocage des SGLT2.

L’association arGLP1-gliflozine dans le DT2

Il existe une logique à envisager une association arGLP1 et gliflozine : cibles d’actions totalement différentes et potentiellement synergiques ou additives sur les glycémies et le poids et sans risque hypoglycémique. De plus les iSGLT2 entraînent une élévation des taux de glucagon et de la production hépatique de glucose (PHG), qui peut être contrecarrée par les arGLP1, car ils ont un effet antagoniste démontré sur le glucagon.

Une approche aussi attendue que séduisante est suivie par l’étude présentée par Muhammad Abdul-Ghani du groupe de Ralph DeFronzo (2) : le liraglutide (1,8 mg/j) et la canagliflozine (300 mg/j) étaient administrés seuls ou associés sur une durée de 16 semaines chez 52 diabétiques de type 2. Les effets enregistrés sont très intéressants, quoique pas exactement ceux attendus.

L’effet additif sur la perte de poids est bien là, ce qui n’est pas le cas pour la baisse de l’HbA1c : significativement meilleure en association que sous canagliflozine seule (1,9 vs 1,1 %), mais non que sous liraglutide seul (1,9 % vs 1,6 %) — pour des valeurs initiales autour de 8,1 à 8,4 %. Enfin, les effets de l’arGLP1 sur le taux de glucagon ont été modestes mais mesurables, sans répercussion sur la PHG, laissant imaginer que celle-ci sous iSGLT2 ne relève peut-être pas uniquement du glucagon !

Certes, il s’agit d’une étude pilote, mais elle sera certainement suivie de bien d’autres, tant les effets métaboliques globaux sont remarquables… Mais à quel prix pour les dépenses de santé, déjà lourdes aujourd’hui, et combien de pays pourront se l’offrir ?

Professeur émérite à l’université Grenoble-Alpes
(1) Mathieu C. 213-OR. ADA 2018
(2) 109-OR. ADA 2018

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr