Microbiote

Aussi dans l'os !

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Publié le 28/05/2021

Le microbiote intestinal intéresse depuis quelque temps le milieu scientifique osseux. Trois publications récentes apportent des contributions originales sur l’implication de certaines fractions de ce microbiote dans le fonctionnement du remodelage osseux…

Crédit photo : phanie

Le microbiote est l'ensemble des micro-organismes vivant dans un environnement spécifique, tel que l’intestin, chez un hôte. Chez l'homme, le microbiote intestinal joue un rôle important lors de la digestion, mais aussi pour la régulation du système immunitaire. Chaque humain abriterait un total d’environ 40 000 milliards de bactéries (soit plus que le nombre de cellules du corps), dont 200 à 250 espèces différentes. Le microbiote intestinal doit donc être considéré comme un organe spécifique et l'homme symbiotique pourrait être surnommé "Homo microbicus" !

Mais le microbiote pourrait aussi avoir un rôle sur l’os, comme en témoignent trois récents articles de l’équipe de Roberto Pacifici à Atlanta…

Un lien entre PTH et microbiote

Dans la première publication, Li et al. (1) ont cherché à déterminer si l’action anabolique de la parathormone (PTH), résultant de son administration intermittente, pouvait dépendre du microbiote intestinal. Ils ont déplété le microbiote de souris et constaté que cette déplétion réduisait la production d’un petit acide gras, le butyrate, métabolite responsable de la communication entre l’intestin et l’os. Chez les souris qui reçoivent un régime conventionnel et ont un microbiote intestinal normal, le traitement par PTH induit une augmentation des travées osseuses alors que les mêmes souris, « germ-free » ou traitée par antibiotique, sont incapables d’exercer l’action anabolique de la PTH. Comment cela fonctionne-t-il ? Le butyrate est nécessaire pour que la PTH augmente le nombre de cellules T régulatrices médullaires (Treg) qui stimulent la production de Wnt 10B par les cellules T CD8 positives. Wnt10B étant un des médiateurs de l’activation du signal d’ostéoformation, il est possible que cette chaîne physiopathologique puisse être un des médiateurs de l’action anabolique de la PTH.

Un rôle sur la perte osseuse

Dans une seconde publication de la même équipe, Yu et al. (2) ont étudié le mécanisme de la perte osseuse liée à l’administration continue de PTH, donc à l’hyperparathyroïdie. Une famille particulière de bactéries du microbiote intestinal, les bactéries filamenteuses segmentées (SFB) semble impliquée, ainsi que leur interaction avec les lymphocytes Th17. En effet, en présence du microbiote SFB+, la PTH augmente le pool intestinal de cellules T productrices de TNF et d’IL-17. Elle facilite leur migration à travers la paroi intestinale et leur recrutement vers la moelle osseuse, avec activation dans le tissu osseux des mécanismes conduisant à la perte osseuse. Le modèle expérimental montre que la déplétion du microbiote intestinal en SFB des souris les rend résistantes à la perte osseuse lors d’un traitement continu par PTH. Inversement, la restauration de la flore intestinale SFB+ induit une perte osseuse, si les souris sont traitées par PTH.

Quel mécanisme en jeu ?

Le troisième volet de la démonstration évalue cette fois le mécanisme de la perte osseuse induite par la carence en œstrogène. Dans un modèle d’ovariectomie chez la souris, Yu et al. (3) observent que la carence en œstrogènes (comme précédemment le traitement par PTH) induit une expansion du pool intestinal de cellules T productrices de TNF et d’IL-17, leur sortie de l’intestin et leur afflux dans l’environnement médullaire. L’augmentation des taux d’IL-17a et de TNF-α dans la moelle osseuse augmente l’expression de RANKL, d’où l’activation de la résorption ostéoclastique et la perte osseuse.

L’éditorial de Jo Lorenzo (4), accompagnant cet article, évoque l’hypothèse d’un mécanisme supplémentaire : des produits terminaux de ces bactéries pourraient être libérés et stimulés par le système lymphatique périhépatique. Ceci induirait une production accrue de lymphocytes T producteurs de TNF-α et d’IL-17, amplifiant ainsi le recrutement ostéoclastique et la perte osseuse.

Ainsi, une piste thérapeutique pourrait consister à bloquer la migration des lymphocytes T intestinaux pour traiter la perte osseuse après la ménopause… À explorer !

(1) Li JY, et al. Parathyroid hormone–dependent bone formation requires butyrate production by intestinal microbiota. J Clin Invest 2020;130:1767-81
(2) Yu M, et al. PTH induces bone loss via microbial-dependent expansion of intestinal TNF+ T cells and Th17 cells. Nat Commun 2020;11:468
(3) Yu M, Pal S et al. Ovariectomy induces bone loss via microbial-dependent trafficking of intestinal TNF+ T cells and Th17 cells. J Clin Invest 2021;131:e143137
(4) Lorenzo J. From the gut to bone: connecting the gut microbiota with Th17 T lymphocytes and postmenopausal osteoporosis J Clin Invest 2021;131:e146619

Pr Philippe Orcel

Source : lequotidiendumedecin.fr