Télémédecine

Un essor freiné par le manque de financement

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Publié le 15/10/2021
L'épidémie de Covid-19 a donné une forte impulsion aux téléconsultations, qui s'avèrent pertinentes dans certaines situations, et a modifié les habitudes des patients. Mais comment la télémédecine pourrait-elle encore se développer malgré le manque de financement ?
Certains patients ont pris l’habitude de poser des questions par mail au médecin

Certains patients ont pris l’habitude de poser des questions par mail au médecin
Crédit photo : Phanie

« L’épidémie de Covid a révélé une tendance forte, celle du nécessaire développement de la télémédecine dans notre discipline. Il y a aujourd’hui une attente des patients et un intérêt croissant de la part des gastroentérologues pour cette télémédecine. Mais le problème majeur est l’absence de financement pour permettre un réel essor de ces outils de télémédecine qui, dans les années à venir, vont pourtant prendre de plus en plus d’importance dans le suivi des maladies chroniques », indique le Dr Guillaume Bonnaud, président du Club de réflexion des cabinets et groupes d’hépato-gastroentérologie (CREGG).

Quand téléconsulter ?

Comme dans pratiquement toutes les spécialités médicales, l’épidémie de Covid et les confinements successifs ont permis un développement important des téléconsultations en hépato-gastroentérologie. « Il est clair qu’on ne reviendra jamais en arrière. Aujourd’hui, un certain nombre de consultations continuent à se faire à distance, principalement à la demande des patients. Mais beaucoup de gastroentérologues y trouvent aussi un intérêt . Certes, la téléconsultation ne pourra jamais remplacer une consultation initiale ou un rendez-vous nécessitant un examen clinique. Il sera toujours utile de continuer à voir régulièrement les patients », souligne le Dr Bonnaud.

Mais ces consultations à distance peuvent se révéler pertinentes dans un certain nombre de situations. « Je pense en particulier au renouvellement d’ordonnances tous les six mois chez des patients souffrant d’une maladie chronique, qui ne posent pas de problème particulier. On peut très bien les voir au cabinet seulement une fois par an. La téléconsultation peut aussi être adaptée pour délivrer les résultats d’un examen ou traiter une question ponctuelle chez des patients déjà suivis », détaille le Dr Bonnaud.

De nouvelles habitudes des patients

Mais durant l’épidémie de Covid, de nouvelles habitudes ont aussi émergé chez les patients. « Ne pouvant pas se déplacer et les secrétariats n'étant plus aussi facilement joignables, un certain nombre de patients ont pris l’habitude de poser des questions par mail au médecin. Cela répond sans doute à un besoin, mais c’est très compliqué à gérer pour les praticiens sur le moyen ou le long terme. Répondre ainsi par mail est très chronophage alors qu’il n’existe aucun financement pour rémunérer cette pratique. De plus, cela engage notre responsabilité médicale dans une pratique dégradée. Ce n’est pas tenable de continuer ainsi. Et il faut que les pouvoirs publics soient pleinement conscients de ce problème. Le risque est de voir les pratiques se dégrader ou que les médecins refusent de répondre à toute demande envoyée par mail », estime le Dr Bonnaud.

Des évolutions nécessaires

Selon le président du CREGG, certains outils de télémédecine mériteraient aussi d’être développés pour mieux informer les patients et éviter qu’ils ne sollicitent individuellement les praticiens. « Par exemple, nous recevons beaucoup de questions sur la vaccination Covid ou sur le nombre d’injections nécessaires. Il pourrait être très utile d’avoir des logiciels qui permettraient, par exemple, de détecter dans notre patientèle, toutes les personnes traitées par immunosuppresseurs ou toutes les femmes enceintes. Ensuite, on pourrait leur adresser des messages ciblés pour les informer de la conduite spécifique à suivre face à la vaccination. Ainsi, la télémédecine pourrait permettre de répondre à un besoin légitime d’information des patients et éviter que les médecins ne soient submergés de demandes par mail individuel », explique le Dr Bonnaud.

Cette crise sanitaire a aussi permis de soulever un autre problème : « les médecins ne s’occupent pas assez de la prise en charge globale des patients au-delà de la simple délivrance des médicaments, constate le Dr Bonnaud. On voit que les Covid graves surviennent en majorité chez des personnes avec des comorbidités, du diabète ou de l’obésité. Or, ces mêmes comorbidités sont aussi très fréquentes chez les patients atteints de  maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI). Dans de nombreux cas, la malnutrition est une des causes aussi bien de l’obésité que des MICI. Dans les maladies chroniques, le manque d’activités physiques ou la gestion du stress sont des enjeux importants. Mais le problème est que, là encore, il n’existe aucun financement pour développer le recours aux nutritionnistes, coachs sportifs ou psychothérapeutes. Dans ce contexte, il serait intéressant de développer des plateformes numériques, comme Livodoc.com, dans les MICI et le syndrome de l'intestin irritable, afin de donner de l’information utile aux patients. Sans bien sûr que cela ne remplace la consultation chez le médecin ».

D’après un entretien avec le Dr Guillaume Bonnaud, président du Club de réflexion des cabinets et groupes d’hépato-gastroentérologie (CREGG).

Antoine Dalat

Source : lequotidiendumedecin.fr