Développement durable

Vers une endoscopie digestive écoresponsable

Publié le 14/10/2022

Afin d’améliorer les pratiques d’endoscopie digestive en termes d’écoresponsabilité, de récentes recommandations européennes invitent à réduire le poids écologique, privilégier le matériel réutilisable et optimiser le recyclage. En pratique, comment les appliquer ?

Crédit photo : DR

Le dérèglement climatique est désormais bien réel, entre canicules, pénuries d’eau et incendies. Pour limiter ces phénomènes extrêmes, il faudra réduire les émissions de CO2 de 33 % d’ici à 2030, selon le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (1). Ceci suppose une mobilisation générale et immédiate, dès à présent lancée en endoscopie digestive.

D’après le rapport récent du Plan de transformation de l’économie française, le secteur de la santé est responsable de 8 % des émissions françaises de CO(2). L’endoscopie digestive se révèle être la troisième activité médicale la plus polluante en termes de poids de déchets : 2,1 kg par endoscopie ! (3,4). Elle est également grande consommatrice d’eau, 80 à 100 litres sont nécessaires pour la désinfection d’un endoscope.

La conscience de l’urgence à améliorer nos pratiques, en termes d’écoresponsabilité en endoscopie digestive, a abouti à la publication récente d’une recommandation européenne (5), dont la clef de voûte est « Réduire, Réutiliser, Recycler ».

Diminuer le poids écologique du plateau technique

« Réduire », c’est en priorité suivre les recommandations des sociétés savantes sur les bonnes indications des endoscopies et des biopsies, pour diminuer la part d’actes sans bénéfice pour le patient. Lorsque c’est possible, envisager une gastroscopie sans anesthésie générale réduit significativement son poids écologique.

Pour réduire le coût carbone du transport des patients, il est envisageable de grouper le même jour les consultations de gastroentérologie et d’anesthésie, en vue d’une endoscopie programmée. Le recours à la téléconsultation pourrait également être un levier à considérer.

Sur le plateau technique d’endoscopie, nous pouvons réduire notre consommation nocturne d’énergie, en prévoyant une extinction électrique centralisée et la réduction du chauffage ou de la climatisation. Sur le plan informatique, nous pouvons restreindre les impressions de comptes rendus, de photos et de résultats histologiques, au profit d’envois dématérialisés. Le stockage des photos d’endoscopie est indispensable pour assurer la qualité de nos actes, mais il peut être limité aux éléments indispensables.

Opter pour du matériel réutilisable

« Réutiliser », signifie limiter le recours systématique à l’usage unique, avec l’utilisation recommandée de tenues réutilisables (6) pour tous les personnels (pyjamas et calots en tissus, sabots), le choix d’une fontaine d’eau, d’une vaisselle pouvant resservir… Concernant le matériel d’endoscopie, nous pouvons, sans risque infectieux, choisir des dispositifs réutilisables pour les éléments non-critiques (cale dents, valves des endoscopes, plaques de bistouri).

À efficacité identique pour le patient, il est aussi possible de privilégier les dispositifs médicaux à usage unique dont le cycle de vie (Life Cycle Assesment ou LCA) est le plus économe en CO2. Ce LCA est néanmoins pour l’instant rarement disponible, tant les paramètres à considérer sont nombreux (type et provenance des matières premières, de l’énergie utilisée dans les usines, poids et matériau des emballages, transports, stockage, mode de recyclage ou de destruction…). À défaut, le poids des déchets est le paramètre le plus fréquemment pris en considération. Nous devons travailler en synergie avec les industriels pour une meilleure lisibilité du LCA, et une diminution globale de l’impact CO2 de nos dispositifs.

Filtrer l’eau et recycler

En suivant les recommandations récentes (6), on peut utiliser de l’eau filtrée, bactériologiquement maîtrisée, dans les pompes de lavage et pour le test et le prétraitement des endoscopes. Elle permet ainsi l’économie de nombreuses bouteilles plastiques d’eau stérile.

Enfin, rappelons qu’en endoscopie digestive, seuls les dispositifs coupants ou tranchants non rétractables relèvent de l’élimination sous forme de déchets assimilés aux soins à risque infectieux, avec un poids carbone trois fois supérieur à celui des déchets assimilés aux ordures ménagères. Quant au recyclage, il existe déjà, au minimum pour les cartons et papiers. Optimiser ces circuits d’élimination des déchets pourrait réduire le poids carbone d’un service d’endoscopie de 30 % ! (8).

La dimension écoresponsable est désormais à intégrer également dans la recherche, la formation initiale et lors des congrès.

Le chemin vers une endoscopie écoresponsable semble long, mais des évolutions simples font déjà une grande différence et de nombreux éléments sont applicables à tout le système de soins. Nos collègues des autres spécialités se mobilisent dès à présent, comme nous, dans ce sens. Notre prise de conscience et notre intelligence collective nous permettront d’avancer sur la voie d’un système de santé écoresponsable.

Hôpital privé d’Antony, responsable de la commission « écoresponsabilité et développement durable » de la Société Française d’Endoscopie Digestive
(1) https://www.ipcc.ch
(2) https://theshiftproject.org
(3) Vaccari M et al. Waste Manag Res 2018 Jan;36(1):39-47
(4) Namburar S et al. Gut 2022 Jul;71(7):1326-31.
(5) Rodriguez De Santiago E. et al. Endoscopy 2022;54(08):797-826.
(6) https://sfar.org
(7) https://www.sfed.org
(8) Cunha Neves J et al. Gut 2022

Dr Ariane Vienne

Source : lequotidiendumedecin.fr