Grâce au séquençage a haut débit

Le traitement personnalisé du cancer devient abordable

Publié le 05/12/2011
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DANS UNE VISION idyllique de la médecine personnalisée, chaque patient cancéreux serait traité par des médicaments adaptés ou conçus pour sa tumeur. En effet, un même cancer chez deux individus peut résulter d’anomalies génétiques différentes. Dès lors, leur caractérisation par les techniques de séquençage à haut débit, permettrait d’identifier des thérapies ciblées, déjà disponibles ou évaluées, visant les anomalies moléculaires.

Roychowdhury et coll. ont mené une étude pilote (Michigan Oncology Sequencing Project, ou MI-ONCOSEQ) afin d’explorer les défis de cette approche en pratique clinique. « Le séquençage à haut débit exploite les derniers progrès technologiques pour analyser des millions d’informations génétiques, ce qui nous permet d’en cartographier les anomalies d’un cancer », explique dans un communiqué le Dr Roychowdhury.

Ils ont caractérisé les cancers chez quatre patients, ayant une forme avancée ou réfractaire, éligibles pour des essais cliniques. En combinant le séquençage du génome entier de la tumeur, celui ciblé de l’exome de la tumeur et de l’ADN normal, celui du transcriptome (ARN transcrit) de la tumeur, les chercheurs ont pu identifier des mutations instructives en 3 à 4 semaines, un délai suffisamment court pour être utile en clinique, et pour un coût raisonnable, environ 3 600 dollars, soit 2 600 euros. « Il y a 10 ou 20 ans, ce type de séquençage aurait coûté des millions, voire des milliards de dollars, mais la technologie progresse tellement vite que nous parlons maintenant de quelques milliers de dollars », souligne le Dr Roychowdhury.

Plusieurs classes de mutations oncogéniques ont ainsi pu être détectées : arrangements structurels, altérations du nombre de copies, mutations ponctuelles, altérations d’expression génique.

Interpréter les résultats du séquençage.

Un comité d’expert (Sequencing Tumor Board) était réuni afin d’interpréter les résultats du séquençage et de déterminer le traitement approprié.

Cette stratégie a d’abord été testée sur des xénogreffes, chez la souris, de tumeurs des patients 1 et 2, atteints d’un cancer métastasé de la prostate. L’une des tumeurs hébergeait le gène de fusion TMPRSS2-ERG spécifique de ce cancer, ainsi qu’un autre gène de fusion non encore décrit. De plus, le gène du récepteur aux androgènes était amplifié et deux suppresseurs de tumeur étaient inactivés. Le comité d’experts conclut que ce profil de mutations pouvait en théorie être traité par l’inhibition combinée des voies de signal du PI3K et du récepteur androgène.

Ils ont ensuite enrôlé les patients 3 et 4 dans le protocole clinique et les résultats ont pu être discutés avec le comité d’expert dans les 4 semaines de la biopsie.

Le patient 3, âgé de 46 ans, avait un cancer colorectal métastasé réfractaire à plusieurs traitements. Le séquençage de sa tumeur a identifié des mutations ponctuelles somatiques dans l’oncogène NRAS, le suppresseur de tumeur TP53, l’aurora kinase A, une chaîne lourde de myosine et le récepteur de mort FAS, ainsi qu’une amplification et une surexpression de la kinase cycline-dépendante 8 (CDK8). Parmi ces mutations, le comité d’experts a conclu que les anomalies NRAS et CDK8 pouvaient être ciblées par des agents expérimentaux (inhibiteurs CDK et inhibiteurs de MEK et PI3K) en essais cliniques, toutefois les critères d’inclusions de ces essais ne permettaient pas d’inclure le patient.

Une analyse similaire chez le patient 4, une femme âgée de 48 ans présentant un mélanome métastasé, a identifié une mutation ponctuelle somatique du gène HRAS et un réarrangement structurel affectant CDKN2C. Bien que la mutation HRAS n’ait pas encore été décrite dans le mélanome, le comité d’experts a suggéré qu’un traitement combinant des inhibiteurs de MEK et PI3K serait approprié. Toutefois, cette patiente n’était éligible pour aucun des essais cliniques de ces agents expérimentaux, réservés à d’autres cancers.

Les chercheurs soulignent donc le besoin d’une nouvelle approche pour les essais cliniques des thérapies ciblées, qui ne se concentrerait pas sur un type de cancer mais plutôt sur des anomalies génétiques partagées par plusieurs types de cancers.

En conclusion, l’approche est prometteuse, avec un séquençage tumoral de coût raisonnable et instructif en quatre semaines, ce qui correspond de toute façon au délai avant l’inclusion dans un essai clinique (élimination des médicaments antérieurs).

Les chercheurs pensent que ce type de séquençage deviendra plus largement disponible dans les 5 a 10 prochaines années. Mais l’enrôlement dans un essai ne garantit pas de bénéficier du traitement.

Science Translational Medicine, 30 novembre 2011, Roychowdhury et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9053