Un besoin de stratégies alternatives personnalisées

La prévention des chutes des sujets âgés demande plus qu'un programme généralisé renforcé

Publié le 24/11/2020
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Des programmes d’exercices physiques adaptés ou de prévention multifactorielle n'ont pas fait mieux que des conseils donnés par mail pour empêcher les chutes des sujets âgés, selon une étude britannique. Un résultat décevant qui incite à aller vers des stratégies plus sophistiquées et personnalisées.
 2 % des chutes se compliquent d’une fracture du col du fémur

2 % des chutes se compliquent d’une fracture du col du fémur
Crédit photo : Phanie

Comment prévenir les chutes et in fine les fractures chez les sujets âgés ? Des Britanniques ont testé la pertinence en santé publique d'un programme renforcé par rapport à des conseils standards. Les conclusions de ce travail publié dans le « New England Journal of Medicine » soulignent les performances limitées d'une stratégie « pour tous ».

Les équipes des universités de Warwick et d’Exeter (Groupe d’étude sur la prévention des risques liés aux chutes) ont étudié chez plus de 9 000 sujets âgés de plus de 70 ans (âge médian 78 ans, le plus vieux ayant 101 ans), vivant à domicile, l’impact sur la prévention des chutes et des fractures de trois modalités d’intervention : des conseils donnés par mail, un programme d’exercices physiques ciblés associé au dépistage des facteurs de chute en plus des conseils donnés par courrier, un troisième groupe bénéficiant d’un programme de correction multifactorielle des risques de chute toujours associés aux conseils donnés par courrier (cf. encadré). Quelque 63 médecins généralistes répartis sur tout le territoire britannique ont été chargés de sélectionner des sujets à risque de chutes (près de 3 000 dans chaque groupe).

Des bénéfices sur l'état général et l'équilibre

Dans cet essai contrôlé, portant sur des patients tirés au sort, représentatifs de la population de plus de 70 ans, aucune des trois stratégies ne fait mieux sur la prévention des chutes et des fractures à 18 mois. Des différences sont toutefois observées avec un moindre coût économique dans le premier groupe et une amélioration de l’état général et de l’équilibre à court terme avec l’exercice physique. « Même si nous sommes déçus de ces résultats, la démonstration des bénéfices de programmes d’exercice physique prolongés au moins six mois sur la santé en général doit nous inciter à les recommander chez les sujets âgés », souligne la Pr Julie Bruce de l'université de Warwick et coauteure de l’étude.

Si le décompte rétrospectif des chutes a pu être source de sous-estimation, le nombre de fractures a été comparable à ce qui est habituellement observé dans les études de prévention, précisent les auteurs. Par ailleurs, dans la mesure où l’objectif de l’essai était de s’intéresser spécifiquement au risque de chute, l’étude n'a pas évalué l'effet de l’association à un traitement anti-ostéoporotique.

Les essais contrôlés randomisés de ce type - de taille suffisante, destinés à montrer une réduction de l’incidence des chutes et des fractures en comparant l’efficacité respective de diverses stratégies - ne sont pas nombreux. D’où l’intérêt de ce travail britannique fait « dans la vraie vie ».

Mieux cibler les interventions

Il ne résout pas pour autant toutes les questions, admettent les auteurs. Peut-être faut-il intensifier et poursuivre les protocoles d’exercices pour en améliorer l’effet ou encore pratiquer des évaluations d’observance des stratégies préventives plus fréquentes ? Il sera sûrement utile de mieux comprendre les causes de chute, un marqueur indéniable de fragilité, et en particulier certains de leurs facteurs prédisposants : sarcopénie, déficit proprioceptif, troubles de la coordination des mouvements, etc. Ces éléments permettront de mieux cibler les sujets auprès desquels il faut intervenir, en conclut la Pr Sallie Lamb de l’université d’Exeter, auteure principale de ce travail.

L’objectif est essentiel puisque 5 % des chuteurs ont une fracture l’année qui suit avec un risque de mortalité augmentée. Et 2 % des chutes se compliquent d’une fracture du col du fémur chez les plus de 65 ans avec près de 25 % de mortalité dans l’année lorsqu’il s’agit d’un traumatisme de basse énergie (chute de sa hauteur, par exemple). Si la prévention des fractures passe par la correction des facteurs de risque de chute liés au comportement de l’individu et à son environnement, elle passe aussi par le dépistage de l’ostéoporose et sa prévention, la fragilité osseuse étant l'une des causes de fracture. Les sujets âgés partagent avec les enfants leur propension à la chute mais les premiers se cassent, les autres moins !

S Lamb et al, The New Engl J of Med, 2020;383:1848-59

Dr Caroline Martineau

Source : Le Quotidien du médecin