Rhumatismes inflammatoires chroniques

Comment faire face au désir de parentalité ?

Publié le 08/04/2019
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femme enceinte et médicament

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Crédit photo : Phanie

Si la nulliparité est plus fréquente chez les femmes ayant un RIC, celles atteintes de PR auraient, d’après une étude scandinave, en moyenne un enfant de moins que souhaité. Elles mettent alors en avant les difficultés potentielles de prise en charge d’un enfant supplémentaire et la crainte de la transmission génétique de la maladie à leur descendance.

Concernant la fertilité, près de 2 femmes sur 3 ne seront enceintes qu’après un délai d’au moins un an. Près de la moitié des femmes touchées par une PR sont considérées comme hypofertile et une étroite relation existe entre le niveau d’activité de la maladie et la fertilité.

Une amélioration de la PR chez la moitié des femmes enceintes

Peu de données existent concernant l’impact de la grossesse sur un rhumatisme psoriasique ou une spondyloarthrite. Par contre, il était volontiers admis que la grossesse s’accompagnait, notamment à partir du 2e trimestre, d’une diminution d’activité de la maladie, voire d’une mise en rémission. D’après de récents travaux, cette amélioration n’est franche que pour environ moitié des femmes. Quant à la notion de rebond et de rechute en post-partum, ceci ne concernerait qu’une femme sur deux ; l’allaitement n’étant actuellement plus associé au risque de rechute de la PR.

Inversement, les RIC ne sont pas associés à des anomalies spécifiques de la grossesse. Cependant, l’activité même de la maladie peut être liée à un risque plus élevé de prématurité, d’avortement spontané…

Quelle prise en charge avant la conception ?

Si les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) inhibiteurs sélectifs de la cox 2 sont contre-indiqués en cas de désir de parentalité, les AINS non sélectifs doivent être évités au cours du 3e trimestre de grossesse. Le méthotrexate constitue le traitement de fond de référence, notamment de la PR et des formes périphériques de spondyloarthrites. Les recommandations actuelles préconisent son arrêt un mois avant la conception éventuelle (3 mois avant en cas d’exposition paternelle). Certains traitements dits synthétiques, comme la sulfasalazine ou la cyclosporine, peuvent être prescrits au moment de la conception, voire au-delà, mais ils sont aujourd’hui peu utilisés. L’hydroxychloroquine reste une thérapeutique majeure de la maladie lupique et toutes les études scientifiques ont montré aujourd’hui l’importance de la poursuivre. Elle possède cependant sur sa boîte une vignette illustrant l’interdiction de prise du traitement chez une femme enceinte, ce qui témoigne d’un défaut d’analyse du rapport bénéfices-risques, d’où l’intervention actuelle des sociétés savantes auprès des autorités de santé compétentes.

Concernant les médicaments biologiques, les anti TNFα peuvent être poursuivis jusqu’à la conception, dans le cadre d’une prise en charge en monothérapie. Les résultats les plus probants concernent le certolizumab pegol (CZP) à la lumière de l’étude prospective internationale CRIB (1), à laquelle plusieurs centres français ont participé. Elle évalue le taux de transfert placentaire des anti-TNFα de la mère au fœtus, à l’aide d’une méthode de dosage ultra-sensible et spécifique. Les résultats finaux portent sur 14 paires « mère-nourrisson » (PR en majorité et maladie de Crohn) et montrent l’absence totale (ou quasi-totale) de transfert placentaire du CZP de la mère au fœtus. Dans le RCP du CZP, il est maintenant stipulé la poursuite ou la reprise du traitement, notamment au cours du 3e trimestre de grossesse, si un anti-TNF est jugé nécessaire. D’après l’étude « CRADLE », qui évalue du passage du CZP dans le lait maternel, la dose quotidienne moyenne de produit potentiellement ingéré par le nourrisson est minime.

Peu de données étant disponibles pour les biomédicaments non anti-TNFα, le traitement sera arrêté, par principe de précaution, deux semaines à trois mois avant la conception. Au sujet de l’exposition paternelle aux biomédicaments, aucun risque particulier n’a jusqu’à présent été démontré.

La publication la plus récente concerne la PR et le risque d’infection chez un nouveau-né en cas d’exposition maternelle aux anti TNF. Aucune augmentation significative du risque d’infection sévère n’a été observée lors de la première année de vie du nouveau-né, que l’exposition maternelle soit pendant la conception ou la grossesse.

Certaines réponses au désir de parentalité en cas de RIC peuvent être apportées par les fiches du Club rhumatisme et inflammation (2) et le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (3). La difficulté en pratique quotidienne peut venir d’un décalage entre les données scientifiques récentes et les libellés des RCP. Enfin, de nombreux centres rhumatologiques français participent à une importante cohorte prospective observationnelle sur la grossesse et les RIC (GR2RIC), labélisée par la Société française de rhumatologie et coordonnée par le Dr Anna Molto (CHU de Cochin, Paris) [4].

Service de rhumatologie, hôpital Roger Salengro (Lille)
(1)   Mariette X. et al., Ann Rheum Dis 2018 77, 228-233
(2)   http://www.cri-net.com
(3)   https://lecrat.fr
(4)  https://sfr.larhumatologie.fr/sites/sfr.larhumatologie.fr/files/medias/…

Pr René Marc Flipo

Source : Bilan Spécialiste