Le compte n’y est pas encore

Il faut renforcer les effectifs en obstétrique

Publié le 30/06/2020
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À l’appel des professionnels concernés, la direction générale de l’offre des soins a reconnu la nécessité d’augmenter les effectifs médicaux en obstétrique, mais toujours de manière insuffisante. L’arbitrage ministériel reste très attendu.
Prévoir une sage-femme par parturiente permet de diminuer la morbidité maternelle

Prévoir une sage-femme par parturiente permet de diminuer la morbidité maternelle
Crédit photo : phanie

Le paysage de l’offre de soins périnatale a été profondément modifié ces 30 dernières années : les maternités de faible volume, essentiellement de type 1, ont pour certaines fermé progressivement, entraînant une augmentation de l’activité des maternités persistantes (1), le plus souvent à effectifs constants. L’allocation des moyens humains accompagnants ces profondes modifications reste régie en France par la réglementation datant de 1998 et n’a, à ce jour, pas été révisée, sachant qu’au-delà d’un seuil de 1 500 ou 2 000 naissances/an selon la catégorie professionnelle, aucune autre ressource supplémentaire n’a été prévue (2).

Face à ce constat, le Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF), la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), le Club d’anesthésie réanimation en obstétrique (Caro), la Société française de néonatologie (SFN), la Société française de médecine périnatale (SFMP), le Collège national des sages-femmes de France (CNSF) et la Fédération française des réseaux de soins de périnatalité (FFRSP) ont décidé de créer une commission « Ressources humaines » pour réfléchir ensemble aux ressources humaines médicales nécessaires pour assurer en sécurité les activités non programmées en gynécologie-obstétrique.

Ce groupe de travail a proposé (3,4) de faire évoluer les deux décrets du 9 octobre 1998 principalement sur les points suivants :

• Renforcement significatif des effectifs de sages-femmes afin de tendre vers une prise en charge de type « une sage-femme par parturiente », stratégie qui permet de diminuer la morbidité maternelle ;

• Existence d’un médecin anesthésiste-réanimateur et d’un médecin gynécologue-obstétricien de garde (décrets de 1998) et d’astreinte (nouveauté) pour les centres réalisant de 3 000 à 4 500 naissances/an ;

• Existence de deux médecins anesthésistes-réanimateurs et de deux médecins gynécologues-obstétriciens de garde pour les centres réalisant plus de 4 500 naissances/an (soit un doublement des effectifs par rapport aux décrets de 1998) ;

• Pédiatre de garde pour les centres réalisant plus de 3 000 naissances/an (la garde devenant donc obligatoire alors que les décrets de 1998 prévoyaient soit une garde soit une astreinte).

La Direction générale de l’offre des soins (DGOS) a lancé en 2018 une concertation concernant la réforme des régimes d’autorisation pour l’activité d’obstétrique, de néonatalogie et de réanimation néonatale en France, qui s’est achevée en janvier 2020. Sur la base des propositions listées ci-dessus, elle a retenu les évolutions principales suivantes (2) :

• Renforcement des effectifs des sages-femmes, mais de façon insuffisante pour permettre une prise en charge de type « une sage-femme par parturiente » ;

• Présence supplémentaire d’un médecin gynécologue-obstétricien d’astreinte à partir de 3 000 naissances/an, astreinte transformée en garde à partir de 4 500 naissances/an ;

• Présence supplémentaire d’un médecin anesthésiste-réanimateur d’astreinte à partir de 3 000 naissances/an, astreinte non transformée en garde au-delà de 4 500 naissances/an ;

• Aucune évolution pour les pédiatres.

La DGOS a donc suivi, mais partiellement, les propositions de la commission des « Ressources humaines », avec un renfort substantiel des ressources humaines pour assurer la sécurité et qualité des soins en périnatalité, mais en deçà de ce qui était attendu par les professionnels. Il faudra rester vigilant car ces propositions de la DGOS feront l’objet ultérieurement d’arbitrage ministériel, qui espérons-le, ne seront pas revues à la baisse.

Service de Gynécologie-Obstétrique, CHU Bordeaux

(1) Vanhaesebrouck A et al. Enquête nationale périnatale 2016. Les naissances et les établissements. Situation et évolution depuis 2010. Inserm & Drees. Octobre 2017

(2) Code la santé publique (Livre Ier, Titre II, Chapitre VII, Section 3, Sous-section 1) chapitre IV Section 1 sous-section 3 Article R4127-318. Art 6124-44. Décret n° 98-900 du 9 octobre 1998

(3) Sentilhes L et al. Ressources humaines pour les activités non programmées en gynécologie-obstétrique. Propositions élaborées par le CNGOF, le CARO, le CNSF, la FFRSP, la SFAR, la SFMP et la SFN. Gynecol Obstet Fertil Senol 2019;47:63-78

(4) Sentilhes L et al. Staffing needs for unscheduled activity in obstetrics and gynecology. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2020;245:19-25

Pr Loïc Sentilhes

Source : lequotidiendumedecin.fr