La municipalité de Saint-Ouen expérimente le congé menstruel et veut initier un « mouvement national »

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Publié le 27/03/2023

Crédit photo : Phanie

La municipalité de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) démarre ce 27 mars l’expérimentation d’un congé menstruel pour soulager ses agentes souffrant de règles douloureuses ou d'endométriose. Alors que le Parlement espagnol a voté en février une loi créant un congé menstruel inédit en Europe et que quelques entreprises françaises l’appliquent déjà, l’objectif est aussi d’amorcer un débat sur le sujet en France.

« Sur les 2 000 personnes qui travaillent pour la ville, nous avons 60 % de femmes. C'est en discutant avec ces agentes que je me suis rendu compte que la moitié d'entre elles souffraient en silence. Un sujet mis de côté sinon tabou », a déclaré le maire PS de la ville, Karim Bouamrane, dont le conseil municipal examinera une délibération le 17 avril.

Concrètement, la municipalité utilisera le dispositif de l'autorisation spéciale d’absence. Les agentes de la ville auront la possibilité de poser jusqu'à deux journées de congés, d'aménager leur emploi du temps ou de travailler à leur domicile, sans qu'aucun jour de carence ne leur soit décompté. Un certificat médical devra attester de la maladie ou de règles douloureuses.

Le maire a également adressé une lettre à Emmanuel Macron afin que « la France reconnaisse officiellement et applique le congé menstruel, par le biais d’un projet de loi ». L’élu se dit « fier » que sa ville initie un « mouvement national, pour une avancée concrète pour le droit des femmes ».

Un droit encore rare dans le monde

Peu de pays dans le monde ont adopté ce type de dispositif. À côté de l’Espagne où la durée de l'arrêt maladie que pourront accorder les médecins n'est pas précisée dans la loi adoptée en février, quelques États, principalement en Asie, en ont fait un droit. Il est par exemple inscrit dans la loi depuis 1947 au Japon, depuis 2003 en Indonésie ou depuis 2015 en Zambie.

Appliqué selon des modalités variables entre pays et parfois malgré les réticences de certains employeurs, ce droit est aussi diversement utilisé par les femmes : selon le ministère japonais du Travail, en 2020, seulement 0,9 % des employées éligibles déclaraient avoir pris des congés menstruels, tandis qu’un sondage mené en 2018 en Corée du Sud montre que 19 % des employées déclarent utiliser leur droit à prendre un jour de congé (non payé) menstruel par mois.

Plusieurs entreprises à travers le monde offrent également la possibilité à leurs employées de prendre des « congés règles », comme le fonds de pension australien Future Super ou l'entreprise de livraison indienne Zomato.

En France, le fabricant français de mobilier Louis Design propose six, dix ou 12 jours de congés payés supplémentaires par an à leurs employées souffrant de règles douloureuses. Le PS, qui avait inscrit le congé menstruel dans son programme pour les dernières présidentielles, offre depuis fin 2022 un jour de congé menstruel aux salariées de son siège. Le mouvement est récent et des syndicats, notamment en Australie, militent pour la généralisation de ce type de droit dans les entreprises.

« L'instauration d'un congé menstruel soulève des enjeux importants qu'il convient de soumettre au débat public », estimait mi-février le député écologiste Sébastien Peytavie. À la suite du vote du Parlement espagnol, il annonçait le lancement d'une « concertation » avec les organisations féministes et syndicales. « Nous devons passer la vitesse supérieure, prendre exemple sur nos voisins et lancer le débat en France », jugeait-il.

E.B. avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr