« Faut-il autoriser les assistants sexuels pour les personnes handicapées ? » Poser la question sous cet angle moral voire moralisateur sous-entend déjà une forme de réprobation. Cela n’a aucun sens et il est grand temps que l’hypocrisie et le tabou tombent en France. Oui, les personnes en situation de handicap sont des êtres humains sexués à part entière. Et, oui, les personnes en situation de handicap ont une sexualité et n’ont d’ailleurs pas attendu l’autorisation de quiconque pour en jouir. Merci pour nous. Seulement, parfois, pour pouvoir vivre leur sexualité, certaines personnes handicapées ont besoin d’aides, de tiers formés et professionnels intervenant dans leur sphère intime et compensant ainsi les situations de handicap provoquées par une maladie, un accident de la vie etc. Cela s’appelle l’assistance sexuelle.
La question n’est donc pas de savoir s’il faut autoriser les assistants sexuels mais bien comment les autoriser pour les personnes handicapées ? Comment créer un cadre légal pour l’assistance sexuelle dans un pays qui pose pour principe la non marchandisation du corps ? Car ce qui est interrogé ici, c’est la représentation individuelle et collective de la sexualité, handicap ou non. De quoi parle-t-on quand on parle de sexualité ? Est-ce un homme et une femme, de préférence mariés ? Est-ce deux hommes ? Deux femmes ? Seul.e ou au contraire à plusieurs ? Est-ce pour une nuit, une semaine, quelques mois ou pour la vie ? Est-ce dans le but de se reproduire ? Ou pour le plaisir ? Rapports uniquement génitaux ? Plutôt clitoridien ou vaginal ? Massage prostatique inclus ? Sextoys recommandés ou inutiles ? Et les zones érogènes dans tout ça ? On en fait quoi ? Pour qui s’intéresse à la sexualité humaine, il n’y a pas UNE sexualité mais DES sexualités. Sexualités au pluriel, donc, qui, en plus, évoluent en fonction du moment, de la ou des partenaires, de l’expérience, de l’âge,… mais aussi du handicap impliquant un rapport au corps différent.
La vie sexuelle des personnes en situation de handicap est juste, normale, naturelle
En sortant ainsi d’une représentation hétéronormée et validiste d’une seule sexualité acceptable socialement, la vie sexuelle des personnes en situation de handicap ne se fantasme plus comme originale ou perverse ou étonnante ou scandaleuse. Non, elle est juste normale et naturelle. Autoriser l’assistance sexuelle c’est-à-dire autoriser une aide humaine pour des personnes empêchées de par leur handicap de vivre cette normalité de la vie ne devrait pas poser plus de problème à la société que d’avoir instauré des aides financières pour l’achat d’aides techniques nécessaires dans la vie des personnes en situation de handicap. C’est simplement une question de droit, de droit à compensation pour être précise.
Mais, voilà, rémunérer une personne pour accéder à des pratiques sexuelles quelles qu’elles soient, c’est de la marchandisation du corps et les limites éthiques sont à prendre en compte. L’assistant.e sexuel.le « vend » son corps ou une partie de son corps pour « offrir » du plaisir à la personne handicapée. Aux yeux de la loi, il/elle se prostitue. Si la prostitution n’est pas interdite en tant que telle, le proxénétisme est puni et le client aussi. Pour les personnes en situation de handicap qui ont besoin d’un tiers dans l’exercice de leur sexualité, la crainte de l’application de la loi pénalisant le client peut rendre l’accès à l’assistance sexuelle compliqué et provoquer une abstinence non choisie. Pour les assistant.es sexuel.les, ils/elles se font plus ou moins clandestins.
Pourtant, comment envisager l’assistance sexuelle en dehors d’un service de mise en relation qui garantisse le respect du consentement de chacun et la formation de l’assistant.e sexuel.le ? Il est donc urgent de sortir de cette impasse. Autoriser l’assistance sexuelle en encadrant la pratique implique reconnaissance et acceptation. C’est la fin d’un no man’s land où chacun dans son coin se dépatouille avec ses difficultés, ses doutes, ses interrogations. C’est permettre une option supplémentaire pour que les personnes en situation de handicap puissent vivre leur sexualité comme bon leur semble, sans crainte de jugement, d’incompréhension ou de négation de leur volonté et dans le respect de la loi et la dignité de chacun.
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