Lupus : agir avant la grossesse

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Publié le 07/10/2022
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Maladie chronique auto-immune, le lupus systémique touche surtout les femmes — 88 % en France — et se présente de façon hétérogène. Son effet sur la santé de la femme enceinte et du fœtus et sur l’évolutivité de la grossesse étant démontré, des précautions doivent être prises dès le désir d’enfant.
Un risque plus important de fausses couches, de retards de croissance intra-utérin et de prééclampsie

Un risque plus important de fausses couches, de retards de croissance intra-utérin et de prééclampsie
Crédit photo : phanie

Le lupus cutané et articulaire est la forme la moins grave de la maladie : il concerne 70 % des patients. Les symptômes les plus caractéristiques sont l’apparition de plaques érythémateuses sur les zones photosensibles (visage, décolleté…). Quand les articulations sont touchées, les patients souffrent de polyarthrite inflammatoire. De façon plus rare, le lupus peut être sévère et s’accompagner d’atteintes d’organes (reins, poumons, cœur…) et hématologiques (baisse des plaquettes ou anémie). « Cette forme grave s’installe, en général, durant les premières années d’évolution de la maladie. Mais, en réalité, les patients présentant un lupus moins sévère ont toute leur vie un risque d’atteinte plus grave », souligne la Pr Estibaliz Lazaro, médecin interniste au CHU de Bordeaux.

De fait, le lupus évolue par poussées et certaines périodes de la vie, telles que la grossesse, sont particulièrement à risque pour les patientes. « Le fait d’être enceinte accroît le risque de survenue d’une poussée et d’aggravation de la maladie », précise la Pr Lazaro. Or, les premiers symptômes du lupus surviennent, le plus souvent, entre 20 et 30 ans : une période de vie durant laquelle les femmes sont potentiellement amenées à commencer une grossesse. « Les facteurs hormonaux jouent un rôle essentiel dans la survenue de la maladie et des poussées. C’est ce qui explique notamment que les femmes sont davantage concernées par le lupus que les hommes, et que la grossesse peut déclencher une poussée lupique, surtout lorsque la maladie est active et mal contrôlée », affirme la Pr Lazaro.

Ajustement thérapeutique

Dans l’idéal, tout désir d’enfant chez une patiente présentant un lupus doit être anticipé : la question doit être abordée lors d’une consultation préconceptionnelle. « Nous devons alors informer les patientes du risque accru de complications durant la grossesse. Le lupus a un impact direct sur le déroulement de la grossesse, via les complications vasculo-placentaires. Il expose notamment à un risque plus important de fausses couches, de retards de croissance intra-utérin et de prééclampsie », note la Pr Lazaro. Cette consultation est également l’occasion d’aborder la question des traitements pris pour soigner le lupus. Car certains peuvent être tératogènes. « Nous devons réajuster les médicaments qui ne sont pas compatibles avec la grossesse. L’enjeu est d’éviter les traitements pouvant engendrer une malformation, tout en permettant à la patiente de commencer une grossesse sereinement, c’est-à-dire en ayant un lupus bien contrôlé », explique la Pr Lazaro. Le méthotrexate, le mycophenolate mofetil (un immunosuppresseur) et le cyclophosphamide doivent impérativement être arrêtés. « L’adaptation s’opère au cas par cas, en fonction du profil immunologique de la patiente. En réalité, peu de médicaments sont autorisés pendant la grossesse. Mais les données empiriques, celles qui émanent du Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat), nous permettent d’utiliser certaines molécules sans risque pour la santé de l’enfant à naître », souligne l’interniste.

Le traitement de référence de la femme enceinte atteinte de lupus repose sur le trio hydroxychloroquine, corticothérapie (prednisone) et antiagrégants plaquettaires. Ces molécules donnent de très bons résultats dans la majorité des formes cutanées et articulaires. « Pour les formes plus graves, nous disposons, en outre, de certains immunosuppresseurs, tels que l’azathioprine et les inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus ou ciclosporine). Ces traitements sont, par exemple, proposés aux patientes ayant une atteinte rénale, en relais de l’immunosuppresseur habituel », indique la Pr Lazaro.

Un suivi individualisé

Durant la grossesse, la surveillance de la patiente s’effectue au cas par cas et dépend du type de lupus de la patiente. Les formes peu sévères ne nécessitent pas de surveillance spécifique. Lorsque le lupus est mal contrôlé ou sévère, le suivi doit être resserré et la patiente est orientée vers une maternité de niveau 3. Elle doit, par ailleurs, être suivie par un obstétricien sensibilisé au lupus. « Au CHU de Bordeaux, nous proposons une consultation préconceptionnelle. Nous avons également mis en place une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) lors de laquelle nous échangeons avec les obstétriciens sur les modalités de suivi de nos patientes atteintes de lupus lors de la grossesse », indique la Pr Lazaro.

Même lorsque toutes les précautions sont prises en amont, une poussée lupique reste possible lors de la grossesse. « En cas d’atteintes cutanées ou articulaires, la corticothérapie orale ou locale est souvent efficace. Lorsqu’il existe une atteinte systémique, les recours sont plus limités : quelques immunosuppresseurs (tels que l’azathioprine ou le tacrolimus) peuvent aider à rétablir la situation », explique la Pr Lazaro.

Exergue : « Les facteurs hormonaux jouent un rôle essentiel dans la survenue de la maladie et des poussées »

Entretien avec la Pr Estibaliz Lazaro (CHU de Bordeaux)

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin