Courrier des lecteurs

Retrait du marché d'Elmiron : des patients abandonnés

Publié le 17/03/2020

Lettre ouverte au ministre de la Santé.

J’ai bien conscience de vous écrire au plus mauvais moment, alors que l’épidémie de Coronavirus retient toute votre attention… Je n’ai cependant pas le choix de la date, car le problème que j’aimerais vous exposer et des plus urgents : depuis le 15 mars, Elmiron, le seul médicament disponible en France pour soulager les personnes souffrant de cystite interstitielle, n'est non ni remboursé, ni même commercialisé : des milliers de patients seront donc abandonnés.

Le motif invoqué pour justifier cette décision prise par la Haute autorité de santé et le Comité économique des produits de santé est que le prix de ce médicament est trop élevé par rapport aux bénéfices apportés. Ce motif n’est nullement convaincant.

Sur le bénéfice apporté, je suis probablement l’une des dernières personnes en France à avoir eu recours à Elmiron. Dès 2003, je suis allé m’en procurer auprès d’un neurologue de l’hôpital Saint Luc de San Francisco, alors qu’il était totalement inconnu en France, et j’ai constaté, non pas une guérison (Elmiron ne guérit pas), mais une diminution très sensible des douleurs pelviennes. Trop de témoignages vont dans ce sens pour croire à un simple « effet placebo », à une auto suggestion.

Le prix d’un flacon d'Elmiron est effectivement élevé : actuellement 535,90 euros pour un flacon de 90 gélules (soit, à raison de trois gélules par jour, un traitement d’un mois). Mais ce prix est pour le moins étrange : quand le médicament n’avait pas reçu d’autorisation de mise sur le marché, le prix du flacon était seulement de 150 €, mais en août 2017, à la suite de cette autorisation, le prix est passé brusquement de 150 à 532,50 euros ! J’ajoute qu’avant août 2017, le flacon contenait 100 gélules, et non 90, et que le médicament ne venait pas d’Allemagne, comme aujourd’hui, mais de pays lointains (Canada puis Australie).

Voilà, Monsieur le ministre, ce que je souhaitais porter à votre connaissance, en espérant que vous trouverez une solution. Je veux rester factuel, mais pour être allé sur le site de l’association française de la cystite interstitielle, je sais le désespoir et l’angoisse – ces mots ne sont pas trop forts – de personnes atteintes de cette maladie, qui n'est que relativement rare. Personnellement, je m’en sortirai : en 2003, je suis allé jusqu’à San Francisco, alors que dans un mois il me suffira d’aller en Belgique, en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Mais la plupart des personnes qui souffrent de cystite interstitielle (et là aussi « souffrir » est le mot juste) n’en auront bien sûr pas les moyens financiers.

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M. Dominique Petitfaux, Thiais (94)

Source : Le Quotidien du médecin