Greffes et prélèvements : l’activité n’a pas rattrapé le niveau pré-Covid

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Publié le 13/02/2024
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

En progression par rapport à l’an dernier, l’activité de prélèvement et de greffe d’organes et de tissus n’a, malgré tout, toujours pas retrouvé son niveau d’avant Covid. Cette situation, pointée dans un récent rapport de la Cour des comptes, s’explique par des difficultés persistantes d’accès au bloc, mais aussi par un taux d’opposition qui atteint un record.

Dans son bilan annuel rendu public ce 13 février, l’Agence de la biomédecine (ABM) présente une activité globale de greffe en hausse de 2,55 % en 2023 (versus 2022), en retrait par rapport à 2019, année de référence pré-pandémie. Dans le même temps, le nombre de nouveaux inscrits a augmenté de 5,10 %. L’activité progresse ainsi « deux fois moins vite » que les demandes, souligne le Dr François Kerbaul, directeur national du prélèvement des organes et tissus à l'ABM. Ce décalage entre offre et demande n’a pas eu d’impact sur le nombre de décès sur liste d’attente. Ces derniers ont reculé de 22,6 % en 2023, retrouvant le niveau de 2019.

Un « net progrès » sur les greffes rénales avec donneurs vivants

Le recensement des sujets en état de mort encéphalique (SME) a progressé de 4,9 %, quand les prélèvements ont augmenté de seulement 3,6 %. Là encore, l’activité n’est pas revenue au niveau de 2019, même si l’ABM observe tout de même une « amélioration des performances ». Mauvaises élèves, les régions Nouvelle Aquitaine et Auvergne Rhône-Alpes présentent des taux de prélèvements qui chutent respectivement de 16 % et 29 %, sans raison clairement identifiée (le taux d’opposition n’évoluant dans les mêmes proportions).

Les prélèvements à partir de donneurs décédés après arrêt circulatoire de la catégorie III de Maastricht (DDAC M3) ont quant à eux connu une hausse de 18,7 %. L’activité de prélèvements des tissus « se porte bien en France », ajoute le Dr Kerbaul, avec une croissance de 11,5 % par rapport à 2022 et de 5,5 % par rapport à 2019.

L’ABM relève par ailleurs un « net progrès » en matière de greffes avec donneurs vivants, en particulier pour les greffons rénaux. Les donneurs vivants représentent désormais 16 % des donneurs (+ 8,4 % versus 2022), un niveau supérieur à la période pré-Covid. Ces greffes sont à développer, insiste le Dr Kerbaul, en raison des « meilleurs résultats » obtenus grâce à la réduction de l’ischémie froide.

Niveau record du taux d’opposition

Point rouge de ce bilan, le taux d’opposition des proches au prélèvement sur les SME connaît une progression de 3 % en 2023 pour atteindre 36,1 %. D’importantes variations régionales sont observées : inférieur à 25 % en Bretagne, en Pays de la Loire ou encore en Corse, le taux d’opposition atteint 48,6 % en Île-de-France et dépasse les 50 % dans les Drom.

« L'Agence pourrait mieux communiquer sur le don d'organes et de tissus », taclait un rapport de la Cour des comptes fin janvier. Il faut « améliorer les connaissances des déterminants des refus », a répondu la Dr Marine Jeantet, directrice générale de l’ABM, soulignant le besoin de « sensibiliser » et de « rassurer » la population, notamment sur les idées reçues.

Le baromètre de l’agence montre que 80 % des Français sont favorables au don de leurs organes après leur mort. « Le taux d’opposition (des proches, NDLR) devrait plafonner à 20 %, et non pas à 36 %, comme on le constate cette année. Si ce taux se maintient à un niveau aussi élevé, c’est que les Français sont trop peu nombreux à avoir fait part de leur position à leurs proches, qui, faute de connaître la volonté du défunt, préfèrent rapporter une opposition », analyse David Heard, directeur de la communication et des relations avec les publics de l’ABM.

Le taux d’opposition recule quand les gens en parlent, selon la Dr Marine Jeantet. Les proches « respectent la position du défunt quand ils la connaissent », rapporte-t-elle. Reste que le phénomène est multifactoriel. Un des déterminants repose sur les effectifs des coordinations hospitalières au sein des CHU. Quand les effectifs d’infirmières sont réduits par exemple, l’abord des proches est moins bon, rapporte le Dr Kerbaul, rappelant que l’ABM a formé 2 338 professionnels de santé en 2023. Certaines résistances peuvent aussi venir des soignants, ajoute la Dr Jeantet, souhaitant insuffler une « culture du don dans la communauté soignante ».

Faire de la greffe une priorité nationale

Le taux d’opposition n’est pas le seul obstacle à la progression de l’activité de prélèvements et de greffes. Les difficultés de recrutement dans les hôpitaux et d’accès au bloc des équipes de greffe sont « une réalité qui nous rattrape », alerte la directrice générale de l’agence. Alors qu’elle a entamé une « tournée » des CHU afin d’identifier les difficultés rencontrées et les solutions locales mises en place, la responsable estime que le prélèvement et la greffe doivent devenir une réelle « priorité nationale ».

Alors que les critiques de la Cour des comptes portent notamment sur le taux d’opposition, le manque de contrôle des compétences ou le niveau décevant des greffes, la directrice de l’ABM aura l’occasion de détailler sa position devant la commission des affaires sociales du Sénat, commanditaire du rapport de la Cour, lors d’une audition prévue ce 14 février. Sur les insuffisances relevées, elle indique « réserver (sa) réponse à la représentation nationale ».


Source : lequotidiendumedecin.fr