Infections respiratoires et crise cardiaque

La grippe multiplie par 6 le risque d’infarctus

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Publié le 25/01/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Nos résultats, joints aux précédentes études montrant qu’une vaccination antigrippale réduit les événements et la mortalité cardiovasculaires, viennent soutenir les directives internationales qui préconisent la vaccination grippale chez les personnes à risque cardiaque », souligne le Dr Jeff Kwong, chercheur à l’université de Toronto et signataire principal de l’étude publiée dans le « New England Journal of Medicine » (« NEJM »).

L’hypothèse selon laquelle la grippe pourrait déclencher des accidents cardio-vasculaires ne date pas d’hier. Elle remonte aux années 1930 lorsqu’une association entre l’activité grippale saisonnière et la mortalité cardiovasculaire fut notée pour la première fois. Depuis, plusieurs études cas-témoin et des études auto-controlées ont suggéré l’association sans toutefois en apporter la certitude.

Un risque plus élevé avec un virus de type B

La force de la nouvelle étude repose sur « le protocole d’auto-contrôle et l'utilisation de tests en laboratoire pour confirmer l'infection grippale », précise le Dr Kwong. Les chercheurs ont étudié tous les habitants de la province de l’Ontario ayant plus de 35 ans qui ont été testés pour la grippe et parfois d’autres virus respiratoires entre 2009 et 2014 (150 000 personnes environ) et ont été hospitalisés pour un infarctus du myocarde aigu (IM aigu) entre 2008 et 2015. Tous ont été testés pour les virus grippaux (influenza) A et B et 90 % ont aussi été testés pour un ou d’autres virus respiratoires (RSV, adénovirus, coronavirus, entérovirus, parainfluenza virus, et métapneumovirus).

Par définition, « l’intervalle à risque » a été choisi comme étant la première semaine suivant le recueil de l’échantillon respiratoire, et « l’intervalle de contrôle » était l’année avant et l’année après l’intervalle à risque.

Parmi environ 20 000 cas de grippe relevés entre 2009 et 2014, les auteurs ont identifié 364 hospitalisations pour IM aigu entre 2008 et 2015, dont 20 cas sont survenus durant « l’intervalle à risque » (20 admissions par semaine) et 344 cas durant « l’intervalle de contrôle » (3,3 admissions par semaine). Ainsi, le risque d’IM aigu apparaît 6 fois plus élevé durant la première semaine de la grippe (période à risque) que durant la période de contrôle (un an avant la grippe et un an après). Une sous-analyse montre que le risque d’IM aigu est encore plus élevé avec une grippe de type B (risque multiplié par 10) qu’avec une grippe de type A (risque multiplié par 5). Les auteurs ont confirmé en outre que le risque d’IM n’est pas accru après les 7 premiers jours de la grippe.

Les autres virus respiratoires aussi

Par ailleurs, confie au « Quotidien » le Dr Kwong, « nous avons été surpris de constater que le virus respiratoire syncytial et d'autres virus respiratoires sont également associés à un risque accru d'IM aigu. Nous nous attendions à constater seulement un risque accru de grippe mais notre étude démontre que la grippe est l'un des nombreux agents pathogènes respiratoires pouvant déclencher un IM aigu ». Ainsi, une infection par le virus respiratoire syncytial (VRS) multiplie le risque par 3,5, et les autres virus respiratoires sont associés à un risque d’IM aigu 2,7 fois plus élevé. Ces résultats, conviennent les auteurs, pourraient ne s’appliquer qu’aux infections respiratoires suffisamment sévères pour demander un test de diagnostic virologique.
En conclusion, « les personnes à risque cardiaque devraient prendre des précautions pour se garder des infections respiratoires, et particulièrement de la grippe, en recourant à des mesures comme la vaccination et le lavage des mains », estime le Dr Kwong. Les chercheurs ajoutent que les patients ne devraient pas tarder à se faire examiner s’ils ont des symptômes cardiaques notamment dans la première semaine d'une infection respiratoire aiguë.

New England Journal of Medicine, 25 janvier 2018, Kwong et coll.

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9634