Les dermatoses de retour de voyages

Un large spectre étiologique

Publié le 01/04/2009
Article réservé aux abonnés

PAR LE Pr ÉRIC CAUMES*

DEUX ÉTUDES récentes ont permis de préciser le spectre étiologique des dermatoses au retour de voyages (1). La part des dermatoses tropicales parmi les dermatoses observées au retour de voyage a été estimée, dans une étude mondiale, publiée en 2008, à 24 % chez l’ensemble des voyageurs. En France, dans un service de médecine tropicale parisien, cette part a été estimée en 2007 à 33,9 %. Concernant les voyageurs de courte durée, cette proportion est passée de 53 % en 1995 à 40 % en 2007. Les principales dermatoses sont la larva migrans cutanée ankylostomienne, les infections cutanées bactériennes et les dermatoses liées aux piqûres et aux morsures d’arthropodes.

Dermatoses tropicales chez le voyageur.

La larva migrans cutanée ankylostomienne (LMCA) est la plus fréquente des dermatoses tropicales touchant le voyageur (2). Elle est acquise par contact direct de la peau avec des larves d’ankylostomes sur le sol, en s’allongeant ou en marchant sur les plages tropicales. En dehors du prurit, le signe le plus fréquent est un cordon sous-cutané érythémateux, linéaire ou serpigineux, localisé au niveau des pieds ou des fesses, parfois du tronc. Le diagnostic est clinique. L’ivermectine orale a une efficacité importante (› 90%) en une seule dose (12 mg chez l’adulte), à jeun. L’albendazole à la posologie de 400 à 800 mg/j, pendant trois jours est également efficace et bien toléré.

La leishmaniose cutanée localisée (LCL) est une maladie répandue dans les pays tropicaux et à la saison chaude dans les pays tempérés. Elle est transmise par piqûre de phlébotome  (3). De petites épidémies ont été observées dans des groupes de voyageurs. Les signes cliniques de LCL incluent papules, nodules, plaques, ulcères (forme clinique la plus fréquente) et lymphangite nodulaire. Les principaux caractères cliniques de la LCL sont la localisation sur les zones exposées, le petit nombre de lésions, l’absence de douleur, l’évolution chronique et l’échec des antibiotiques. Le diagnostic est parasitologique. Le traitement relève de services spécialisés étant donnée la toxicité des médicaments de première ligne et les indications ciblées selon l’espèce en cause.

Les autres dermatoses exotiques sont les myiases cutanées et la tungose (puce-chique). Les rickettsioses (principalement fièvre africaine à tiques) sont, avec la dengue et le chikungunya, des causes fréquentes d’exanthème fébrile  (1). Bien d’autres maladies tropicales d’expression dermatologique ont été décrites, mais ponctuellement, chez le voyageur  (3).

Dermatoses cosmopolites.

Parmi les dermatoses infectieuses, les infections cutanées bactériennes à pyogènes (Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes) sont probablement les plus fréquentes chez les voyageurs. Le spectre clinique va de l’impétigo et de l’ecthyma, à l’érysipèle et à la cellulite nécrosante  (3). La gale est une des plus fréquentes causes de prurit généralisé. Elle est acquise par contact direct et l’existence d’un prurit dans l’entourage est le meilleur argument du diagnostic (« tout prurit conjugal est une gale »). Les infections par des dermatophytes et le pityriasis versicolor sont également répandues.Les dermatoses environnementales sont nombreuses. L’exposition à un arthropode (moustiques, simulies, phlébotomes, puces, ou acariens) est une cause fréquente de lésion dermatologique prurigineuse localisée chez le voyageur. La surinfection cutanée (impétiginisation) est particulièrement fréquente. La dermatite cercarienne est due à l’infestation par la peau des cercaires de schistosomes d’oiseaux, le canard plus particulièrement, et acquise au cours de bains en eau douce infestée. La dermatite du nageur survient au cours de bain en eau de mer par contact direct avec les larves de certains animaux marins (méduses, anémones de mer) qui vont décharger leurs toxines au contact de la peau. Les autres dermatoses liées à des accidents provoqués par la flore et la faune sous-marines répondent à trois mécanismes : blessures vulnérantes avec envenimation, blessures vulnérantes sans envenimation et envenimations par contact. Certaines espèces tropicales sont particulièrement dangereuses (poisson-pierre, cône, cuboméduse). Chez les voyageurs, les dermatoses dues à une exposition solaire trop intense incluent les coups de soleil, les réactions phototoxiques, les phytophotodermatoses, les photodermatoses d’origine toxiques ou allergiques, l’urticaire solaire, la lucite estivale bénigne, le prurigo actinique et l’hydroa vacciniforme. Les expositions solaires chroniques ou successives au cours des années peuvent résulter en l’héliodermie qui inclut la dermatose chronique actinique, les lentigines, les kératoses acliniques et à terme les cancers de la peau. Les autres dermatoses cosmopolites incluent les miliaires sudorales, les engelures et les dermites de contact. Enfin, certaines dermatoses chroniques tels que l’acné, la dermatite atopique, le lupus érythémateux systémique, le lupus discoïde, la dermatomyosite et plusieurs formes de porphyries cutanées peuvent apparaître ou s’aggraver sous l’effet de l’exposition solaire. Les principales MST sont les infections gonococciques, l’herpes et les candidoses vaginales (pas forcement sexuellement transmissibles). La notion de voyage récent ne doit pas égarer vers une maladie tropicale car la part des dermatoses cosmopolites et environnementales est croissante, mais une bonne connaissance des dermatoses exotiques reste nécessaire pour éviter les égarements diagnostiques.

* Service des maladies infectieuses et tropicales, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

(1) Monsel G, Caumes E. Curr Opin Infect Dis 2008;21:495-499.

(2) Caumes E. Dermatology 2006;213:179-181.

(3) Hochedez P, Caumes E. J Travel Med 2008;15:222-233.

Le Quotidien du Mdecin

Source : lequotidiendumedecin.fr