Vaccination à ARNm : la France doit réaliser des « investissements massifs » pour rattraper son retard, plaide le Covars

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Publié le 14/02/2023

Crédit photo : S.Toubon

Face au retard de la France dans la « rupture » technologique que constitue la vaccination à ARNm, le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) appelle à des « investissements massifs » dans la recherche, le soutien à des acteurs industriels du secteur et la production. « Tous les grands pays s’équipent. La France doit le faire », a insisté la Pr Brigitte Autran, présidente du Covars lors d’un point presse.

Saisi en septembre dernier par les ministres François Braun (Santé) et Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur et Recherche), le Comité s’est penché sur le futur des vaccins ARNm et leur potentiel dans la prévention des maladies infectieuses.

L’expérience de la pandémie a démontré qu’ils pouvaient être « une solution très efficace en temps de crise », rappelle l’avis du Covars rendu public ce 13 février. La technologie a permis un développement et une production rapides de vaccins avec une « efficacité élevée » contre les formes graves et les décès du Covid, tout en bénéficiant d’une bonne tolérance et d’une grande capacité d’adaptation aux souches en circulation. Malgré une protection limitée dans le temps, ces avantages en ont fait un « atout considérable » durant la pandémie, avec « 20 millions de vie » épargnées dans le monde, rappelle le Pr Bruno Lina, virologue et membre du Covars.

Se doter d'une « autonomie sanitaire »

Au-delà de leur intérêt dans des pathologies comme le cancer qui n’est pas exploré dans cet avis, ces vaccins seront également utiles contre d’autres maladies infectieuses saisonnières ou réémergentes ou chroniques. Cette nouvelle génération de vaccins devra ainsi « occuper une place importante dans l’arsenal de contre-mesures médicales qu’il est nécessaire de développer face aux risques croissants d’émergence de pathogènes connus ou nouveaux », est-il préconisé dans l’avis. L’enjeu est de permettre à la France de « se doter d’une autonomie sanitaire en matière de vaccins ARNm, tout en maintenant les autres plateformes vaccinales », lit-on également.

Pour l’heure, quelques pays sont avancés dans le domaine, et notamment les États-Unis et l’Allemagne. Les premiers ont investi « 20 milliards de dollars en 20 ans dans les nouvelles stratégies vaccinales », dont l’ARNm, tandis que la seconde a débloqué « 5 milliards d’euros » pendant la crise pour développer les capacités de production, met en contexte la Pr Autran.

De nombreuses cibles virales

Plusieurs essais cliniques sont par ailleurs en cours. Des essais de phase 3 sont déployés contre le Covid, la grippe saisonnière, ou une combinaison des deux, mais aussi contre la grippe aviaire ou encore contre le virus respiratoire syncytial (VRS), pour lequel aucun vaccin n’est disponible. Des essais de phase 2 ou 1 portent également sur le cytomégalovirus (CMV) ou les virus Zika ou chikungunya.

La France a une place à prendre dans cette dynamique de recherche, estime le Covars. Elle doit pour cela faciliter la réalisation d’essais sur le territoire, afin notamment de « se familiariser avec cette technologie », souligne la Pr Autran, insistant sur l’intérêt de former médecins et chercheurs par la recherche clinique. Cet effort de recherche doit intégrer une vision « One Health », combinant « les approches humaine et animale », poursuit-elle. L’impulsion doit aussi porter sur le développement d’une « capacité nationale de production de ces nouveaux vaccins », un « enjeu de souveraineté », relève l’avis.

Enfin, le défi est d’améliorer l’acceptabilité sociale de cette nouvelle technologie vaccinale « par une communication claire, informative et transparente sur les avantages et les limites de ces vaccins », est-il conseillé. « Beaucoup de choses fantaisistes ont circulé » sur les réseaux sociaux concernant notamment les effets indésirables de ces vaccins, reflétant « les inquiétudes de la population », rappelle Annabel Desgrées du Loû, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et membre du Covars. Alors que les publics les plus éloignés de la vaccination à ARNm sont également ceux qui manquent de confiance dans les autorités, il convient, selon elle, d’être attentif à ce que le message soit porté par d’autres acteurs.


Source : lequotidiendumedecin.fr