Vaccination des soignants contre Ebola : un rappel efficace et flexible pour le vaccin de Janssen

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Publié le 08/04/2024
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Un essai chez des soignants en République démocratique du Congo montre qu’un rappel d’Ad26.Zebov entraîne une réponse immunitaire contre Ebola robuste et comparable, qu’il soit réalisé un ou deux ans après la primovaccination à deux doses Ad26.Zebov + MVA-BN-Filo.

Crédit photo : ZEPPELIN/SIPA

L’association des vaccins Ad26.Zebov et MVA-BN-Filo, mise au point par le laboratoire Janssen et commercialisés respectivement sous les noms de Zabdeno et Mvabea, semble apporter une protection à long terme suite à un rappel réalisé un ou deux ans après dans l’éventualité d’une nouvelle épidémie. C’est ce qu’ont constaté chez des personnels de santé des chercheurs de l’université de Kinshasa et de l’Institut belge pour l’évaluation de la vaccination, des vaccins et de la santé publique. Les résultats d’un essai de phase 2 sont publiés dans The Lancet Infectious Diseases.

Cette association de vaccins dispose d'une autorisation d’utilisation dans un contexte d'urgence (délivrée en juillet 2020 par l’Agence européenne du médicament), même si le niveau et la durée de la protection restent encore à déterminer. Contrairement au vaccin Ervebo à une dose (VSV-Ebov, Merck), premier vaccin autorisé (octobre 2019) et préqualifié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le schéma de primovaccination en comprend deux : Zabdeno d’abord, puis Mvabea huit semaines plus tard. Un inconvénient pour une utilisation dans un contexte d'urgence, où une protection rapide est attendue. L’OMS lui préfère Ervebo dont elle fait la promotion pour intensifier la préparation au risque d’épidémies futures auprès des pays à haut risque. En décembre 2022, l’étude Prevac publiée dans The New England Journal of Medicine montre que trois schémas vaccinaux différents (Zabdeno + Mvabea à J56, Ervebo + placebo à J56 et Ervebo + rappel à J56) entraînent une réponse immunitaire de J14 à 12 mois.

Les soignants, un public prioritaire

Au cours de leur étude, les chercheurs ont recruté 699 volontaires entre décembre 2019 et février 2020, parmi les personnels de santé travaillant à l'hôpital de Boende, en République démocratique du Congo. « Les professionnels de santé constituent une catégorie à haut risque d'infection et sont de plus très susceptibles de transmettre le virus au reste de la population », rappellent les auteurs. Ainsi, en Guinée, entre 1,5 et 8,1 % des morts liés à Ebola lors de l'épidémie de 2013-2016 étaient des médecins, des infirmières ou des sages-femmes, alors qu'ils représentent moins de 0,2 % de la population générale. En outre, les soignants sont plus faciles à suivre et globalement plus observants.

Les chercheurs ont exclu toutes les personnes ayant des antécédents d’infection par le virus Ebola. La vaccination s'est faite selon le schéma habituel : deux injections dans le muscle deltoïde espacées de 56 jours. Les volontaires ont ensuite été répartis en deux groupes : un premier a reçu une nouvelle dose de Ad26.Zebov un an après le schéma à deux doses, et le second au bout de deux ans. Les données de 324 participants étaient exploitables pour l'analyse finale.

Avant le rappel, les taux moyens d'IgG spécifiques à Ebola étaient de 279,9 unités Elisa (UE) par ml chez les 314 membres du groupe 1, et de 274,6 chez les 310 membres du groupe 2 (soit deux ans après les premières doses). Ces taux étaient respectivement 5,2 et 4,9 fois plus importants que ce qui était observé avant la primovaccination. Le seuil considéré comme suffisant pour assurer une protection contre l'infection par le virus Ebola était atteint dans 96 % de l’ensemble des cas de l’étude.

Sept jours après le rappel, les taux d'IgG étaient de 10 781,6 UE/ml dans le groupe 1, et de 10 746,9 UE/ml dans le groupe 2 . Les patients du groupe 1 ont été suivis jusqu'à un an après le rappel, le taux d'IgG était toujours 7,6 fois plus élevé qu'avant la primovaccination. Le volet de pharmacovigilance n'a pas relevé de signal inquiétant quant à la tolérance des vaccins. Les auteurs qualifient cette réponse humorale de « robuste », et ils ne constatent pas de différence significative entre les deux groupes. Ces résultats « militent en faveur d'une certaine flexibilité quant à l'utilisation de ces vaccins pour protéger les populations les plus exposées à une infection par Ebola », concluent les auteurs.


Source : lequotidiendumedecin.fr