L’accès des patients en CMU aux spécialistes de secteur 2

Les médecins rejettent l’accusation de refus de soins

Publié le 27/05/2009
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CE TESTING A FAIT DU BRUIT. Menée par téléphone auprès de 466 médecins spécialistes de 11 villes de l’Hexagone, l’enquête réalisée par le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) a rendu des conclusions très sévères (1). Selon l’association d’usagers, 22 % des médecins spécialistes de secteur 2 refusent de prendre en charge les patients bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Cette proportion atteint 50 % pour les spécialistes parisiens (Le Quotidien du 26 mai).

Le président du CISS, Christian Saout, a des mots très durs : « Le parlement nous a fait honte en supprimant du projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) plusieurs mesures d’accès aux soins comme le testing. La démonstration est faite que le lobby des médecins pèse plus lourd que celui des usagers ». Les médecins n’ont pas tardé à réagir. Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, reproche au CISS de mener une « croisade anti-médecins ». Selon le leader de la Confédération, l’enquête « construite à charge » ne porte pas sur un échantillon représentatif et n’a aucune valeur statistique. « La méthode est malhonnête, condamne le Dr Chassang, car nous n’avons jamais d’appels de gens faisant état de leur statut de CMU pour prendre un rendez-vous ! De plus en plus de patients n’hésitent pas à s’ouvrir de leurs difficultés financières et les médecins savent y répondre avec tact et humanité ». Pour l’UMESPE, la branche spécialiste de la CSMF, le testing est un procédé inacceptable, « assimilant les cabinets médicaux à l’entrée d’une boîte de nuit ».

Des « discriminations non avérées » pour le SML.

Le Syndicat des médecins libéraux (SML) est également révolté par cette enquête qui désigne « l’ensemble des médecins à la vindicte populaire pour des discriminations non avérées ». « L’appel téléphonique préalable n’est pas la règle, indique le président du SML, le Dr Christian Jeambrun. En réalité, les patients révèlent leur CMU à la fin de l’acte, au moment du règlement, et le médecin accepte ». Le Dr Jeambrun souligne que les médecins spécialistes de secteur 2 représentent 38 % de l’ensemble des spécialistes. Les 22 % qui opposent un refus de soins des CMU ne représentent donc que8 % des spécialistes. « A contrario, 92 % de l’ensemble des médecins spécialistes reçoivent les CMU sans problème, note le Dr Jeambrun. Et le CISS n’évoque pas le pourcentage d’actes gratuits effectués par les médecins libéraux ».

Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) n’est pas resté insensible à la publication de l’enquête. « Recevoir des patients attributaires de la CMU est une obligation déontologique et il est inacceptable de leur refuser un rendez-vous ou de leur demander un dépassement d’honoraires, rappelle en préambule le Dr André Deseur, porte-parole du CNOM. Mais il faut tenir compte de la réalité de l’exercice ! Recevoir quelques patients en CMU quand on est en secteur 2 ne pose pas problème mais en recevoir un grand nombre devient difficile à gérer. Car si les actes sont aux tarifs opposables, le pourcentage de prélèvement des charges sociales du praticien reste celui du secteur 2 ». Un médecin généraliste de secteur 2 installé à Courbevoie, très mécontent des conclusions de l’enquête, abonde en ce sens . « Les médecins de secteur 2 paient leurs charges sociales et il arrive un point où ils préfèrent travailler gratuitement que de d’encaisser un patient en CMU, cela pose moins de problèmes administratifs », affirme-t-il .

Dans le rapport d’activité annuel du Fonds CMU de 2008, Jean-François Chadelat, son directeur, évoquait en quelques mots la problématique : « Souvent mises en avant pour tenter d’excuser les refus de soins, les études convergent remarquablement pour montrer que si ces difficultés sont effectivement plus grandes avec un dossier de CMU qu’avec le dossier d’un autre assuré, elles restent à un niveau global très réduit, a fortiori lorsque le professionnel de santé utilise les feuilles de soins électroniques (FSE) et non les feuilles de soins papier ». Au 31 décembre 2008, le Fonds CMU recensait près de 4,2 millions bénéficiaires de la CMU-C.

(1) L’enquête du CISS est consultable sur www.leciss.org

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : lequotidiendumedecin.fr