Tournoi de Roland-Garros : quand la biomécanique du tennis devient pathologique

Publié le 08/06/2023
Article réservé aux abonnés
Carlos Alcaraz Garfia

Carlos Alcaraz Garfia
Crédit photo : AFP

Le Dr Jacques Parier, médecin à Roland-Garros, nous propose des morceaux choisis du premier congrès épaule et coude du sportif qui s'est déroulé le 29 mai à Montrouge (92) avec la Fédération française de tennis.

Le service constitue l’une des armes les plus importantes du tennis de haut niveau. Aujourd’hui, chez les hommes, il est très difficile de faire partie des meilleurs joueurs du circuit professionnel sans pouvoir frapper une première balle à plus de 200 km/h. Le service fait partie d’une chaîne cinématique qui nécessite la participation des membres inférieurs et du tronc pour optimiser l’action du membre supérieur.

Les joueurs de tennis professionnel subissent des contraintes articulaires au niveau de l’épaule et du coude particulièrement élevées lors des phases d’armer et d’accélération du service. Une étude biomécanique portant sur le service de 20 joueurs experts a mis en évidence que les joueurs blessés au niveau du membre supérieur dominant présentent des contraintes articulaires maximales significativement supérieures à celles des joueurs non blessés, rapporte Caroline Martin, docteure et maître de conférences.

Quand les mouvements sont décortiqués en laboratoire

Les analyses réalisées dans son laboratoire de biomécanique de Rennes, avec des instruments tels que plateformes d’analyse du mouvement, capteurs de mouvements 3D, plateformes de force et électromyographie, apportent un éclairage supplémentaire sur la prévention et les risques de la pathologie du service et l’optimisation de la performance.

Il existe un certain nombre de facteurs pathomécaniques, c’est-à-dire qui augmentent les contraintes au niveau articulaire sans augmenter la vitesse de la balle. C’est le cas par exemple d’une insuffisance de flexion des jambes ou d'une exagération de positionnement de l’épaule en abduction horizontale au cours de la phase de rotation externe.

Le service avec plateau en est un autre exemple. On parle de service avec plateau quand le tamis de la raquette s’ouvre vers le plafond au début de la face d’accélération au lieu de rester parallèle au dos du joueur. Lors de ce type de service on a montré une augmentation significative des contraintes articulaires maximales : moment de rotation interne de l’épaule, force antérieure et proximale du poignet et augmentation du varus du coude.

Préserver la mobilité de l’épaule du joueur

La surcharge biomécanique, unilatérale et répétitive, du membre supérieur liée à la pratique du tennis en compétition entraîne des adaptations spécifiques. On retrouve à l’épaule des modifications des amplitudes articulaires avec diminution de la rotation interne qui peut survenir très précocement chez les jeunes joueurs et une augmentation de la rotation externe, explique le Dr Jérôme Garret.

La synthèse des méta-analyses reprise par l’auteur met en évidence chez les joueurs adultes une rotation interne de 43,6° pour les enfants et pour les adultes de 59° pour une amplitude totale respectivement de 135° chez les enfants et de 168° chez les adultes. Les joueuses ont tendance à avoir une rotation externe globale plus élevée que les hommes mais une rotation interne comparable.

La perte de la rotation interne chez un joueur de tennis semble être un facteur pathologique possible, surtout si elle dépasse un certain niveau. Une prévention systématique dès le jeune âge semble donc un élément indispensable pour limiter les pathologies d’épaule. 

Dr Jacques Parier

Source : lequotidiendumedecin.fr