Alzheimer : des résultats positifs pour un test sanguin détectant des oligomères toxiques des années avant le diagnostic

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Publié le 08/12/2022
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Crédit photo : S.Toubon

Un diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer permet la mise en place de mesures visant à préserver la fonction cognitive des patients, mais aussi de participer à des essais cliniques. De nombreuses équipes à travers le monde travaillent ainsi sur le développement de tests diagnostiques innovants. C'est le cas des chercheurs de l'université de Washington qui viennent de publier leurs travaux dans les « Pnas », décrivant un test sanguin - appelé Soba (pour Soluble Oligomer Binding Assay) - capable de détecter un oligomère toxique de la protéine bêta-amyloïde des années avant l'apparition des symptômes de la maladie d'Alzheimer.

Dans le même temps, les deux tests de diagnostic du laboratoire Roche - Elecsys beta-Amyloid (1-42) CSF II (Abeta42) et Elecsys Phospho-Tau (181P) CSF (pTau181), déjà autorisés dans 45 pays dont tous ceux acceptant le marquage CE, ont été adoubés par la Food and Drug Administration (FDA) ce 8 décembre. « Les tests Elecsys (utilisés comme ratio pTau181/Abeta42) mesurent deux biomarqueurs caractéristiques de la pathologie d'Alzheimer dans le liquide céphalorachidien, les protéines bêta-amyloïdes et tau, chez les adultes de 55 ans et plus en cours d'évaluation de la maladie », explique le laboratoire.

Et du côté des traitements, alors que la maladie d'Alzheimer a fait face à de nombreux échecs, la recherche permet de nouveaux espoirs. Le groupe pharmaceutique japonais Eisai et l'américain Biogen ont annoncé fin septembre des résultats positifs pour le lécanemab - un anticorps anti-bêta amyloïde - au stade précoce de la maladie. Ces résultats ont fait l'objet d'une publication récente dans le « New England Journal of Medicine ».

Cibler les feuillets alpha des oligomères bêta-amyloïdes

De nombreux travaux ont par ailleurs déjà montré que la maladie commence à s'installer bien avant les troubles cognitifs et le diagnostic, avec la survenue de protéines bêta-amyloïdes qui se replient mal, s'agglutinent et forment des oligomères bêta-amyloïdes. Les chercheurs de l'université de Washington ont mis en évidence dans une étude précédente que ces oligomères sont constitués de structures dites en feuillets alpha.

Ils ont ici développé un feuillet alpha synthétique capable de neutraliser ces oligomères toxiques. Ainsi, en analysant les oligomères fixés à la surface de ce peptide synthétique dans des échantillons sanguins, ils peuvent mesurer les niveaux d'oligomères bêta-amyloïdes chez les patients.

Un test évalué sur 379 échantillons sanguins

Au total, 379 échantillons sanguins prélevés chez 310 patients ont été utilisés pour évaluer la pertinence de cette approche. Ces échantillons ont été classés cliniquement : 221 provenaient de patients « contrôle » sans déficience cognitive, 45 de patients avec déficience cognitive légère, 102 de patients Alzheimer et 11 de patients ayant une déficience cognitive non-Alzheimer.

Au sein du groupe contrôle, des oligomères ont été détectés dans le sang de 11 personnes. Et un suivi de 10 d'entre elles a montré qu'elles ont toutes développé des années plus tard une déficience cognitive légère ou une pathologie cérébrale compatible avec la maladie d'Alzheimer. Tandis que les autres individus du groupe contrôle n'ont pas développé de déficience et ne présentaient pas d'oligomères toxiques dans leur échantillon.

Avec une sensibilité et une spécificité de 99 %, le test a aussi permis de détecter les oligomères bêta-amyloïdes toxiques dans les échantillons de sang des patients présentant une maladie d'Alzheimer et de les distinguer des autres formes de démence.

« Ce que les cliniciens et les chercheurs ont souhaité, c'est un test de diagnostic fiable pour la maladie d'Alzheimer : pas seulement un test qui confirme un diagnostic d'Alzheimer, mais un test qui peut également détecter les signes de la maladie avant que la déficience cognitive ne survienne, indique l'autrice principale Valerie Daggett. Ce que nous montrons ici, c'est que le Soba peut être la base d'un tel test. »

L'équipe de Valerie Daggett a ainsi travaillé avec les scientifiques d'AltPep, une entreprise dérivée de l'université de Washington, afin de produire un test diagnostique des oligomères à partir de cette approche. « Nous pensons que ce test pourrait aider à identifier les personnes à risque ou en phase d'incubation de la maladie, et servir d'indicateur d'efficacité thérapeutique pour faciliter le développement de traitements précoces de la maladie d'Alzheimer », estime Valerie Daggett.

Une approche intéressante pour d'autres maladies

Les chercheurs ont par ailleurs montré que l'approche Soba peut être adaptée de façon à détecter les oligomères toxiques d'un autre type de protéine associée à la maladie de Parkinson et à la démence à corps de Lewy.

« Nous constatons que de nombreuses maladies humaines sont associées à l'accumulation d'oligomères toxiques qui forment ces structures en feuillets alpha. Pas seulement la maladie d'Alzheimer, mais aussi la maladie de Parkinson, le diabète de type 2 et bien d'autres, souligne Valerie Daggett. Le Soba détecte cette structure unique de feuillet alpha, et nous espérons que cette méthode pourra aider à diagnostiquer et à étudier de nombreuses autres maladies dues à un mauvais repliement des protéines. »


Source : lequotidiendumedecin.fr