Stress post-traumatique

Des résultats encourageants avec un bêtabloquant

Publié le 17/02/2009
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DEPUIS PLUS D'UN SIÈCLE, les psychologues et les psychiatres ont cherché à atténuer le souvenir émotionnel traumatisant. « Cependant, même les traitements les plus efficaces ne parviennent à éliminer que la réponse de peur, laissant intact le souvenir initial de la peur comme le montrent les fréquentes rechutes après un traitement qui apparaissait réussi », notent Kindt et coll. (université d'Amsterdam) dans la revue « Nature Neuroscience ».

D'un point de vue évolutif, il est fondamental de ne pas oublier les événements importants de notre vie. Toutefois, les souvenirs douloureux peuvent être envahissants et invalidants, comme on le voit chez certaines victimes de violence, de viol ou de mauvais traitements qui revivent indéfiniment leurs souffrances et sont accablés de symptômes de dépression et d'anxiété dans le cadre du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). « Si le souvenir émotionnel pouvait être atténué ou même effacé, alors nous pourrions être capables d'éliminer la source de nombreux troubles psychiatriques comme le SSPT », remarquent les chercheurs hollandais.

Manipulation neurobiologique.

On a longtemps considéré qu’un souvenir était permanent dès qu’il était « consolidé », c’est-à-dire transféré de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme.

Récemment, des recherches sur les rats menées à l’Université McGill (Canada) ont montré que le souvenir de la peur n'est pas nécessairement permanent, et qu'il peut changer lorsqu’on se le remémore. La remémorisation active (ou réactivation) d'un souvenir consolidé le ramène à un état labile, fragile, dépendant d'une synthèse protéique. Le souvenir traumatique doit ensuite être « reconsolidé » pour qu'il persiste. Mais il peut être altéré, voire perdu, si la reconsolidation est perturbée par des manipulations neurobiologiques, pendant ou juste après la réactivation, qui bloquent la synthèse des protéines ou interagissent avec la libération des neurotransmetteurs dans l'amygdale. Cela a été montré en particulier avec un bêtabloquant, le propranolol, d'abord chez les rats puis chez les humains.

Ainsi, dans une récente étude préliminaire de Brunet et coll. (Université McGill), 19 patients atteints de SSPT ont d'abord réactivé leur souvenir traumatique en racontant leur expérience par écrit, puis ils ont pris du propranolol ou un placebo. Une semaine plus tard, on leur a fait écouter un récit enregistré de leur traumatisme pendant qu’on mesurait leurs réactions physiologiques. Ceux qui avaient reçu du propranolol ont réagi beaucoup moins fortement que les sujets du groupe placebo. Et lorsqu’on les a interrogés sur leurs symptômes, les sujets traités ont rapporté une amélioration, voire même, pour deux personnes, une guérison ... après une seule dose. En ajoutant plusieurs séances, l'effet est encore plus marque selon des résultats qui seront publiés bientôt.

La réponse de peur.

C'est dans ce contexte que prend place l'étude expérimentale de Kindt et coll. (université d'Amsterdam). Leur objectif était de tester les deux hypothèses suivantes : 1) la réponse de peur peut être atténuée en perturbant le processus de reconsolidation ; 2) perturber la reconsolidation du souvenir de la peur permettra de prévenir le retour de la peur.

Ils ont recruté des étudiants qui ont d’abord été conditionnés à avoir peur des araignées ; en pratique, on leur montrait des images d'araignées en association avec un léger mais désagréable choc électrique (J1). Ce souvenir de peur a été consolidé. Le lendemain (J2), les participants ont été randomisés, en double insu, à recevoir soit du propranolol (40 mg ; n = 20), soit un placebo (n = 20), juste avant la réactivation du souvenir de la peur. Durant cette réactivation, les deux groupes ont exprimé le même degré de peur conditionnée, « ce qui démontre que le propranolol n'affecte pas directement l'expression du souvenir de la peur », notent les chercheurs. Toutefois, vingt-quatre heures après la réactivation (J3), la réponse de peur dans le groupe propranolol n'est pas seulement atténuée mais éliminée , alors qu'elle reste importante dans le groupe placebo. Cela suggère que le souvenir de peur pourrait être « effacé » (théorie du stockage) ou non disponible du fait de l'échec de récupération (théorie de la récupération).

Il convient de noter que le propranolol élimine la réponse de peur (liée à l'amygdale) sans affecter la mémoire déclarative (liée à l'hippocampe). « Il est possible que le blocage bêta-adrénergique durant la reconsolidation perturbe sélectivement la synthèse protéique du souvenir de peur dans l'amygdale, entraînant une "déconsolidation" de la trace du souvenir de peur, tout en laissant intacte la mémoire déclarative dans l'hippocampe », notent les chercheurs.

Nature Neuroscience 15 février 2009, Kindt et coll., DOI: 10.1038/nn.2271

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr