Un variant BDNF impliqué dans l’anxiété

La génétique ouvre la voie des traitements personnalisés des phobies

Publié le 15/01/2010
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

LE FACTEUR neurotrophique cérébral BDNF (brain-derived neurotrophic factor) joue un rôle important dans la plasticité synaptique associée à l’apprentissage et l’extinction de la peur.

Une variation courante du gène BDNF, un polymorphisme aboutissant à une substitution de la valine (Val) par la méthionine (Met) au codon 66 (Val66Met), a été associée chez l’homme à des comportements anxieux.

L’étude dirigée par les Drs Soliman, Lee et Casey (Weill Cornell Medical College, NY) visait à examiner si ce variant BDNF (Met) pouvait affecter l’apprentissage permettant l’extinction des peurs conditionnées chez la souris, et si ces résultats pouvaient s’appliquer à l’homme.

Soliman et coll. ont donc étudié des souris (n = 68) et des hommes (n = 72) portant ou non le variant (porteurs : Val/Met ou Met/Met ; non porteurs : Val/Val).

Conditionnement pavlovien de la peur.

Ils ont soumis les souris et les hommes à une procédure de conditionnement pavlovien de la peur. Ce conditionnement consiste à coupler un stimulus « neutre » ou inoffensif à un stimulus aversif. Après quelques couplages, le stimulus inoffensif seul induit les réactions de peur innées.

Après le conditionnement, l’exposition répétée au stimulus inoffensif seul, en l’absence du stimulus aversif, amène normalement à faire disparaître, petit à petit, la réaction de peur ; ce processus d’extinction n’est pas un oubli mais un processus actif avec nouvel apprentissage.

Les chercheurs ont constaté que le variant BDNF (Met) n’avait aucun effet sur le conditionnement de la peur, mais affectait effectivement l’extinction de la peur conditionnée chez les souris comme chez les hommes. Ainsi, les souris et les hommes portant l’allèle Met prenaient plus de temps à éteindre leur réaction de peur (« freezing », c’est-à-dire immobilisation chez les souris, et augmentation de la conductance cutanée chez l’homme), par rapport à des individus ne portant pas l’allèle Met.

Preuve neuroanatomique.

Les chercheurs ont ensuite validé ces résultats comportementaux chez la souris et chez l’homme par des preuves neuroanatomiques.

Ils ont effectué une IRM fonctionnelle chez les hommes afin d’étudier l’activité du circuit frontoamygdalien ; en effet, l’amygdale est reconnue pour jouer un rôle clé dans la peur conditionnée et le cortex préfrontal ventromédian est connu pour jouer un rôle important dans son extinction.

Conformément à leurs attentes, les chercheurs ont constaté, durant l’extinction, une activité réduite du cortex préfrontal ventromédian chez les porteurs de l’allèle Met, comparés aux non porteurs de l’allèle Met, et une activité accrue de l’amygdale.

Ainsi, ce variant BDNF pourrait jouer un rôle dans les troubles anxieux comme les phobies ou l’état de stress post-traumatique, et dans l’efficacité des traitements reposant sur les mécanismes d’extinction.

Une thérapie par exposition est une forme de thérapie comportementale efficace, au cours de laquelle le patient est exposé aux situations, objets, pensées ou souvenirs redoutes, mais de façon progressive et dans un climat sécurisant pour le patient.

La thérapie par exposition pourrait encore agir chez les patients portant le variant du gène, mais au bout d’un temps plus long que chez les patients non porteurs du variant.

Dans le futur, un test génétique pour ce variant pourrait donc aider à guider le traitement. Et l’usage de nouveaux médicaments pourrait être indiqué pour accélérer l’apprentissage de l’extinction de la peur.

Sciencexpress 14 janvier 2010, Soliman et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8687