Sclérose en plaques : cinq signes avant-coureurs identifiés par une équipe française

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Publié le 06/12/2023
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Cerveau atteint de sclérose en plaques (IRM) - image d'illustration

Cerveau atteint de sclérose en plaques (IRM) - image d'illustration
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

Dépression, constipation, troubles sexuels ou problèmes urinaires… Des premiers symptômes apparaissent plusieurs mois voire plusieurs années avant que les malades de la sclérose en plaques ne connaissent leur diagnostic, souligne une nouvelle étude publiée dans la revue Neurology le 5 décembre 2023.

« Quand on annonce une sclérose en plaques aux patients, ils réfléchissent à ce qui a pu déclencher la crise les jours ou les mois précédant le diagnostic. Or, on sait maintenant, à partir d’autres études et de celle-ci, que les premiers symptômes ne sont pas neurologiques et que le déclenchement a lieu probablement plusieurs années auparavant, ce qui rappelle certaines maladies neurologiques telles qu’Alzheimer », explique au Quotidien une des co-autrices, la Pr Céline Louapre, neurologue à l’hôpital Pitié-Salpêtrière – Sorbonne Université.

La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire du système nerveux central qui touche 120 000 personnes en France, dont 75 % de femmes. Elle est caractérisée par des lésions (les plaques) dans lesquelles la gaine protectrice des neurones (la myéline) est détruite. Ses causes et les mécanismes qui entrent en jeu sont encore pour la plupart méconnus. « Plus nous avons de données pour construire l'histoire de la maladie avant que le diagnostic ne soit posé, plus précis nous serons pour identifier d’éventuels facteurs de risques », souligne la chercheuse, qui travaille également à l’Institut du cerveau.

Des lésions présentes cinq ans avant le diagnostic 

Dans l'étude que la Pr Céline Louapre a menée, la population étudiée était composée de patients français et britanniques, 20 174 atteints de la maladie, 54 790 qui n'étaient pas diagnostiqués avec une sclérose en plaques, 30 477 atteints de la maladie de Crohn et 7 337 de lupus. À partir des dossiers de santé, il a été mis en avant que, cinq ans avant leur diagnostic, les personnes atteintes de sclérose en plaques étaient 22 % plus susceptibles de souffrir de dépression que la population générale, 50 % plus susceptibles de souffrir de constipation, 38 % plus susceptibles d'avoir des infections des voies urinaires, 47 % plus susceptibles d'avoir des problèmes sexuels et 21 % plus susceptibles d'avoir une cystite ou des infections de la vessie.

L'étude de l'équipe de l'Institut du cerveau est dite agnostique « dans le sens où nous n’avions pas d’a priori ». La Pr Céline Louapre ajoute : « Nous avons regardé l’ensemble des 113 codes de santé afin de ne pas rater un élément auquel nous n’aurions pas pensé. Typiquement, les troubles sexuels n’avaient pas encore été identifiés comme symptômes précoces de la sclérose en plaques ». 

Les troubles urinaires, gastro-intestinaux ou psychiatriques, présents dans la phase prodromique* de la maladie, avaient quant à eux déjà été décrits, notamment par des équipes de recherche canadiennes. La Pr Céline Louapre évoque une de leur publication dans la revue Neurology, datée de septembre 2023 : « Ils montrent que 28 % des futurs patients avaient déjà une comorbidité psychiatrique (surtout la dépression) pour 15 % dans la population générale ».

Des symptômes non prédictifs à l'échelle individuelle 

« Les symptômes mis en avant dans notre étude ne sont pas spécifiques. Ils sont fréquents dans la population générale, commente-t-elle. À l’échelle du patient, nous ne pouvons pas prédire la maladie en amont grâce à ces indicateurs. » De plus, ces symptômes se retrouvent également dans la maladie de Crohn et le lupus, deux autres maladies auto-immunes qui avaient été ajoutées à l’étude pour contrôler les résultats. « Ces symptômes ne sont donc pas une signature spécifique de la sclérose en plaques. Cette étude épidémiologique n’est pas extrapolable à l’échelle individuelle », insiste-t-elle.

Mais ces résultats indiquent que, même cinq ans avant les premiers symptômes neurologiques et le diagnostic de la maladie, il y a déjà des déséquilibres de la santé « parce que des circuits neuronaux sont touchés ; il y a donc déjà des lésions ». D'autre part, ces symptômes ne sont pas liés au hasard. En effet, elle explique le rôle de la moelle épinière dans le contrôle des sphincters (elle contrôle la vidange de la vessie, le transit et les fonctions sexuelles). « Les lésions, même celles sur la moelle épinière, ne sont pas toutes associées à des symptômes neurologiques, explique-t-elle. Quand on pose un diagnostic, on voit à l'IRM que les patients ont déjà plusieurs lésions ce qui signifie que certaines sont apparues silencieusement. » Silencieusement mais non sans conséquences.

* Période pendant laquelle un ensemble de signes et symptômes avant-coureurs se manifestent avant la phase principale de la maladie.

SEP

Source : lequotidiendumedecin.fr