Tramadol, kétamine, topiramate : la SFETD fait le point sur les risques et le bon usage contre la douleur

Par
Publié le 16/06/2023
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : PHANIE

La Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD) a fait un point sur le bon usage de plusieurs médicaments antalgiques, en conférence de presse par la voix du Pr Nicolas Authier, psychiatre et pharmacologue au CHU Clermont-Ferrand.

Depuis 2012, les prescriptions d’antalgiques opioïdes sont stables en France, où entre 11,5 à 12,5 millions de personnes ont une ordonnance en cours. L’antalgique le plus prescrit reste le tramadol avec plus de 5 millions de Français concernés chaque année. Ce chiffre est en lente diminution depuis 2016.

« Le tramadol est en tête des substances impliquées dans les décès par surdose avec un médicament opioïde en France », explique le Pr Authier qui dirige par ailleurs l'observatoire français des médicaments antalgiques. Jusqu'en 2018, les prescriptions d'oxycodone ont augmenté pour des douleurs non cancéreuses. « Nous devons procéder à une réévaluation plus rigoureuse de leur balance bénéfices/risques dans l'indication des douleurs chroniques non liées aux cancers », estime le Pr Authier.

Un groupe de travail a été mis en place par l'Agence du médicament (ANSM), groupe auquel participe la SFETD. Un plan d'action est également en cours d'élaboration pour améliorer la prescription et le bon usage du tramadol afin de prévenir le développement d’une dépendance physique avec syndrome de sevrage. Le Pr Authier et la SFETD insistent sur le repérage des facteurs de vulnérabilité (antécédents personnels et familiaux d’addiction et psychiatriques) associés à un surrisque de mésusage.

Pour ces médicaments, « il est important, comme l’indiquent les récentes recommandations de la HAS de penser à la prescription de naloxone, intranasale ou intramusculaire, pour certains patients à risque d’abus ou d’usage non conventionnel », complète le spécialiste.

La kétamine et le topiramate, à surveiller

Les traitements antalgiques, et la manière dont ils sont dispensés, ont connu d'importantes évolutions aux cours de ces dernières années, scrutées par la SFETD, à l'image du topiramate, un antiépileptique, dont la prescription comme traitement préventif des crises de migraine s'est vue complexifiée.

Une prescription de topiramate ne peut être initiée et renouvelée annuellement que par un médecin neurologue ou pédiatre, ce qui réduit de fait son accessibilité. « Il y a rarement un de ces spécialistes disponibles dans les centres de traitement de la douleur chronique, explique le Pr Authier. Or c'est là que les prescriptions sont initiées depuis de nombreuses années ». Cette décision fait suite à une étude qui, en mai dernier, a mis en évidence des risques de troubles neurodéveloppementaux, notamment autistiques et de déficience intellectuelle, en plus des risques malformatifs déjà connus.

La kétamine, quant à elle, fait l’objet de prescriptions hors AMM dans certaines douleurs chroniques réfractaires mixtes, encadrées depuis 2010 par une recommandation de l’ANSM. La SFETD, en collaboration avec l’agence du médicament, mène une réflexion pour réduire les risques d’effets indésirables liés à cette substance.

« Le réseau de pharmacovigilance a rapporté, en cas d'utilisation répétée, des atteintes uro-néphrologiques - hématurie, insuffisance rénale aiguë, cystite non infectieuse, cystite interstitielle -, des atteintes endocriniennes telles que des augmentations de la cortisolémie ou de la prolactinémie, mais aussi des atteintes hépatiques parfois graves pouvant conduire à des transplantations », indique le Pr Authier. Les prescripteurs doivent donc respecter les posologies et réaliser des bilans hépatiques et rénaux. Un document d’information a été mis à la disposition des patients sur les objectifs thérapeutiques et les risques associés à la prescription de kétamine dans les douleurs chroniques.

Retour à la normale dans l'expérimentation cannabis

Le Pr Authier a également fait un point sur l'expérimentation en cours sur le cannabis thérapeutique, qui avait récemment connu des problèmes d'approvisionnement, après l'annonce de son prolongement d'un an. « Les spécialités à dominantes CBD sont en train de revenir et les spécialités de CBD pures devraient être à nouveau disponibles à partir de la fin du mois de juin, rassure le Pr Authier. Il semblerait qu'un seul fournisseur ait finalement décidé de ne pas participer à la troisième année. »

Depuis le début de cette expérimentation, qui totalise 2 600 patients (dont 1 600 toujours inclus), « de nouvelles études publiées de même que l’analyse des données de la cohorte à un an confirment les effets bénéfiques, pour certains patients, du cannabis médical dans les douleurs neuropathiques réfractaires, ajoute le Pr Authier. Moins de 30 % des patients arrêtent leur traitement pour inefficacité ou effets indésirables. »

La SFETD confirme l’intérêt de pouvoir disposer du cannabis thérapeutique hors conditions d’expérimentation pour favoriser le relais des prescriptions auprès des médecins traitants.


Source : lequotidiendumedecin.fr