Les produits laitiers coût-efficaces contre les fractures

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Publié le 26/10/2023
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L’ajout de deux portions de produits laitiers diminue de moitié les fractures de hanches chez les personnes âgées institutionnalisées, et réduit les chutes de 11 %. De quoi relancer le débat sur les seuils nutritionnels à retenir.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

« En Australie, deux tiers des sujets âgés institutionnalisés sont dénutris, ou à risque de dénutrition. En particulier, leur apport moyen en calcium (635 mg/jour) et en protéines (0,8 g/kg) est insuffisant », a déploré la Dr Sandra Iuliano (Université de Melbourne, Australian institute of musculoskeletal science), en marge du 45e Congrès de la société européenne de nutrition clinique et métabolisme (Espen), à Lyon le 13 septembre 2023, rappelant les conséquences économiques et humaines des fractures qui en découlent. Les chutes sont cinq fois plus fréquentes chez les patients institutionnalisés, qui pourvoient 30 % des fractures de hanche.

Peut-on réduire les chutes et leurs conséquences chez ces personnes âgées, en intervenant uniquement sur leur alimentation ? C’est ce qu’a cherché à déterminer une étude randomisée menée par l’équipe de la Dr Iuliano, qui a comparé, pendant deux ans, 27 centres (n = 3 301 résidents) recevant une alimentation renforcée en produits laitiers, à 29 centres (n = 3 894) poursuivant l’alimentation standard (1).

L’intervention nutritionnelle a consisté à retravailler les recettes, par exemple en remplaçant les sauces par des béchamels, en choisissant du fromage plutôt que des gâteaux, etc. Sur deux ans, elle a permis de porter les ingestats de 1,5 à 3,5 portions de produits laitiers par jour en moyenne, soit 1 100 mg/j de calcium et 1,1 g/kg/j de protéines, sans changer l’apport énergétique global.

Au total, 324 fractures, dont 135 de la hanche, 4 302 chutes, et 1 974 décès sont survenus chez ces résidents de 86 ans d’âge moyen, pour deux tiers des femmes. L’intervention a significativement réduit les fractures (-33 % ; HR = 0,67 [0,48 – 0,89] ; = 0,02), dont les fractures de hanche en particulier (-46 %), et les chutes (- 11 % ; HR = 0,89 [0,78 – 0,98] ; p = 0,04), en revanche, la mortalité est restée inchangée entre les deux groupes.

Une étude ancillaire a montré que la perte osseuse a été de 2 % à un an chez les sujets contrôle (n = 39), vs inchangée chez ceux (n = 33) bénéficiant de l’intervention (< 0,001). À noter que les niveaux de supplémentation en vitamine D étaient satisfaisants dans les deux groupes.

Questions de seuils

Pour la Dr Iuliano, ce travail est un argument supplémentaire pour relever les références nutritionnelles en calcium, notamment en Europe, qui préconise actuellement une cible de 950 mg/j (Efsa 2015). « Or, dans la littérature, les interventions nutritionnelles ont un bénéfice quand elles dépassent le seuil de 1 100 voire 1 300 mg/j de calcium », plaide-t-elle. Un apport atteint avec les portions australiennes recommandées, qui sont de quatre parts de 250 ml de lait, 40 g de fromage ou 200 g de yaourt, quand la France se limite à trois portions journalières de 150 ml de lait, 30 g de fromage ou 125 g de yaourt.

Selon la Dr Iuliano, cette intervention serait particulièrement coût-efficace, puisque le surcoût des produits laitiers (moins de 0,70 €) est largement compensé par l’économie réalisée via a réduction des fractures (qui génèrent 2 700 € de coûts directs pour l’établissement, et 24 000 € pour le système de soin). « En France, 40 % des femmes de plus de 50 ans sont carencées en calcium. Augmenter leur apport nutritionnel via les produits laitiers pourrait générer une économie de 129 millions d’euros ».

 

D’après un symposium organisé par le Centre de ressources et d’informations nutritionnelles (Cerin) en marge du 45e Congrès de la société européenne de nutrition clinique et métabolisme (Espen), à Lyon le 13 septembre 2023 

(1) Iuliano S, et al. Effect of dietary sources of calcium and protein on hip fractures and falls in older adults in residential care : cluster randomized controlled trial. BMJ. 2021(375)2364

 

Dr Charlotte Pommier

Source : lequotidiendumedecin.fr