Le recours à des appareils auditifs réduit le déclin cognitif chez les individus âgés à risque de démence

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Publié le 19/07/2023
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Crédit photo : Phanie

Selon l'étude américaine Achieve parue dans le « Lancet », le port d'appareils auditifs pourrait réduire le déclin cognitif à trois ans, mais uniquement chez les personnes à haut risque de démence. Il s'agit du premier essai contrôlé randomisé à avoir évalué l'impact du traitement de l'audition sur le déclin cognitif à long terme.

« Nos résultats démontrent de manière convaincante que le traitement de la perte auditive est un outil puissant pour protéger les fonctions cognitives à un âge avancé et peut-être, à long terme, retarder le diagnostic de démence », indique Frank Lin, premier auteur.

Ces résultats ont été présentés lors de l'Alzheimer's Association International Conference qui se tient du 16 au 20 juillet à Amsterdam. Ils vont dans le sens de précédentes études observationnelles. L'une d'elles parue en avril dans le « Lancet Public Health » réalisée à partir des données de la UK Biobank a notamment mis en évidence que l'utilisation d'une aide auditive chez les personnes souffrant de perte auditive est associée à un risque de démence similaire à celui des personnes ne souffrant pas de perte auditive. Les appareils restent pourtant sous-utilisés : moins de 10 % des individus des pays à faible revenu et moins de 20 à 30 % de ceux des pays à revenu élevé ayant une perte d'audition sont équipés, rapportent les auteurs.

Une population plus à risque de démence

La perte auditive avait déjà été identifiée en 2020 par la Commission du « Lancet » sur la démence comme étant le plus grand facteur de risque potentiellement modifiable pour la démence dans les pays à revenu élevé et à revenu faible à intermédiaire, contribuant à environ 8 % des cas dans le monde.

Pour ce travail mené entre le 9 novembre 2017 et le 25 octobre 2019, 977 individus provenant de quatre sites communautaires aux États-Unis, âgés de 70 à 84 ans (âge moyen de 76,8 ans), souffrant d'une perte auditive non traitée et ne présentant pas de déficience cognitive, ont été inclus : 238 provenant de la cohorte Aric (Atherosclerosis Risk in Communities) et 739 volontaires en bonne santé.

En moyenne, les individus de la cohorte Aric étaient plus susceptibles d'être plus âgés, d'être des femmes, d'être noirs, de présenter plus de facteurs de risque de déclin cognitif (niveau d'éducation et revenu plus faibles, taux plus élevés de diabète et d'hypertension artérielle, fait de vivre seul…) et d'avoir des scores de cognition plus faibles à l'inclusion, par rapport à la cohorte de volontaires. Le niveau d'audition était en revanche similaire entre les deux cohortes.

Les participants ont été randomisés (1:1) en deux groupes : l'un bénéficiant d'appareils auditifs accompagnés de conseils sur l'audition, le second (groupe contrôle) recevant des conseils délivrés par un éducateur à la santé sur la prévention des maladies chroniques. Tous ont été suivis tous les six mois, sur trois ans.

Une évolution plus lente chez les individus sains ?

Le critère principal d'évaluation, c'est-à-dire l'évolution à trois ans d'un score standardisé évaluant la cognition globale obtenue à partir d'une batterie de tests neurocognitifs au sein de l'ensemble des deux populations, n'a pas été atteint. Néanmoins, l'histoire ne s'arrête pas là, comme l'écrivent Gill Livingston et Sergi Costafreda du département de psychiatrie de l'University College London dans un commentaire associé, qualifiant d'encourageants les résultats. En effet, l'analyse de sensibilité préspécifiée portant uniquement sur la cohorte Aric a montré des résultats significatifs.

« Notre essai a démontré que le traitement de la perte auditive réduit la perte des capacités de réflexion et de mémoire (déclin cognitif) de 48 % sur trois ans chez les personnes âgées présentant un risque accru de déclin cognitif », résume Frank Lin. En revanche, l'analyse portant sur la cohorte de volontaires (non à risque accru de démence) n'a pas montré de différence significative entre ceux ayant bénéficié d'une aide auditive et les autres.

« Malgré des niveaux d'audition similaires au début de l'étude, il est probable que les volontaires de la cohorte en bonne santé ont connu des changements cognitifs plus lents que les participants de la cohorte Aric, car ils étaient généralement plus jeunes, présentaient moins de facteurs de risque de déclin cognitif et avaient de meilleurs scores cognitifs initiaux, détaille Frank Lin. Ce taux beaucoup plus lent de déclin cognitif peut avoir limité l'effet des aides auditives dans la réduction de ce déclin au cours du suivi relativement court de trois ans. » Une étude de suivi de la cohorte Achieve est ainsi en cours pour étudier les effets à plus long terme des interventions auditives sur la cognition.

« Il est aussi urgent de réaliser d'autres essais dans d'autres contextes, en s'appuyant sur les enseignements tirés de la nécessité de se concentrer sur des populations à haut risque de déclin cognitif et de démence », considèrent Gill Livingston et Sergi Costafreda.

Selon Frank Lin,« les personnes âgées devraient systématiquement faire contrôler leur audition et envisager d'utiliser des appareils auditifs ou des thérapies connexes en cas de perte auditive avérée ».


Source : lequotidiendumedecin.fr