Bronchiolite aiguë infantile : la SpO 2 initiale ne prédit pas la désaturation

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Publié le 15/02/2021

La présentation clinique est le seul un facteur de risque indépendant de désaturation dans la bronchiolite aiguë du nourrisson. Celles-ci sont fréquentes, y compris à la maison, mais n’ont pas systématiquement d’expression clinique, et ne requièrent alors pas plus d’hospitalisations.

Crédit photo : phanie

À quelle fréquence les tout-petits désaturent-ils lors de bronchiolite aiguë ? Existe-t-il des facteurs pronostiques ? Le niveau de SpO2 en fait-il partie ? Telles sont les questions examinées dans un essai prospectif monocentrique mené à l’hôpital universitaire de Genève (Suisse) par une équipe qui avait déjà travaillé le sujet sur une cohorte rétrospective. Ses résultats sont sans appel. « Près de 70 % des enfants désaturent, que ce soit à l’hôpital ou à la maison. Le niveau de Sp02 n’est absolument pas prédictif de ce risque de désaturation, lequel est influencé de manière significative et indépendante uniquement par la présentation clinique initiale », résument les auteurs (1).

En 2016, les auteurs avaient analysé une cohorte rétrospective de près de 600 bronchiolites chez des moins de 1 an. Ce travail suggérait que le sexe féminin, un âge inférieur à 3 mois, une réadmission en urgence, une présentation clinique initiale plus sévère et un taux initial élevé en PCO2 (> 45 mmHg) constituaient des facteurs de risque de désaturation. Sachant que celle-ci avait concerné 18 % de ces patients.

Une cohorte prospective de 239 enfants, dont 39 renvoyés à domicile

L’étude publiée aujourd’hui porte sur une cohorte prospective de près de 240 bronchiolites aiguës infantiles recrutées durant deux périodes épidémiques, en 2017-2018 et 2018-2019 (1). Seuls les moins de 1 an, y compris prématurés, se présentant aux urgences en semaine dans la journée (8 h — 18 h) ont été inclus. Ceux porteurs de maladie chronique et/ou ayant déjà fait plus de 3 épisodes de bronchiolite et/ou avec une SpO2 inférieure à 90 % ont été exclus.

Les enfants absorbant moins de la moitié des apports nutritionnels recommandés et/ou présentant une SpO2 à moins de 90 % à l’air libre, une apnée, une bradycardie ou une condition sociale défavorable ont été systématiquement hospitalisés. Une supplémentation en O2 était mise en route pour toute SpO2 inférieure à 90 %.

Tous les enfants ont été testés pour le VRS et l’influenza A et B. Et tous, à la maison comme à l’hôpital, ont été équipés d’un oxymètre portable mesurant leur SpO2 en continu durant 36 heures.

La désaturation a été définie comme SpO2 < 90 % pendant au moins 1 minute. La désaturation sévère comme une désaturation récurrente (au moins 3 désaturations) ou prolongée (plus de 10 % du temps), ou soutenue (plus de 3 minutes). Le critère primaire est la désaturation. Le critère secondaire est la réhospitalisation.

Au total, sur 516 enfants passés en revue, 239 enfants, d’âge médian 4 mois — dont 48 % de garçons — ont été inclus. Après en moyenne 4 heures d’observation, 39 enfants sont rentrés à domicile et 200 (84 %) ont été hospitalisés, dont 19 en unité intensive. La durée d’hospitalisation médiane a été de 4,5 [2,6-6,9] jours.

Près de 70 % de désaturations dans les 36 premières heures, même à la maison

Dans cette série, 70 % des enfants ont désaturé. On a le même taux chez les hospitalisés et ceux rentrés à domicile (68,5 vs 71,8 %). Et on observe des désaturations sévères même à la maison (56 %).

Alors que la démographie des deux groupes est comparable, les sujets hospitalisés, à présentation clinique initiale plus sévère, ont désaturé plus précocement (2,8 [1,7-5,9] heures) à l’hôpital qu’à la maison (11 [7,3-20,6] heures), p < 0,001.

Globalement, le délai médian avant désaturation est de 3,6 heures. Il n’est pas influencé par l’âge, la sévérité de la présentation ni l’intensité des rétractions initiales. En analyse multivariée, seule une présentation clinique sévère associée à des rétractions modérées ou sévères constitue un facteur de risque indépendant de désaturation (RR = 2,73 [1,5-5] ; p = 0,001).

Les réhospitalisations ont concerné 28 % des enfants rentrés à domicile. Dans cette série, la désaturation ne permet pas de les prédire, puisque celle-ci ne paraît pas être un facteur de risque de réhospitalisation. De fait, parmi les enfants réhospitalisés, la même proportion souffrait (28 %, n = 8/28) ou ne souffrait pas (27 %, n = 3/11) de désaturation. Et même les désaturations sévères ne constituaient pas un facteur de risque de réhospitalisation !

Implications cliniques : peu importent les désaturations sans expression clinique

« Ces résultats sont concordants avec ceux d’une précédente étude menée par T. Principi et coll. (2). À savoir que la plupart des bronchiolites sont associées à des désaturations dépistables par oxymétrie. Néanmoins, sans expression clinique, celles-ci ont probablement peu d’intérêt, puisqu’elles ne pèsent pas sur le risque de réhospitalisation. Il n’y a donc pas lieu de les dépister de façon systématique notamment à domicile », concluent les auteurs.

 

(1) Frequency, timing, risk factors, and outcomes of desaturation in infants with acute bronchiolitis and initially normal oxygen saturation. Jama Netw Open. 2020; 3:e2030905

(2) T Principi et al. Effect of oxygen desaturations on subsequent medical visits in infants discharged from the emergency department with bronchiolitis. Jama Pediatr. 2016;170:602-8

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr