Des contaminants dans le lait maternel ?

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Publié le 11/07/2019
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Les femmes CSP+ davantage concernées

Les femmes CSP+ davantage concernées
Crédit photo : Phanie

Il existe de nombreux polluants dans l'environnement : médicaments, polluants organiques persistants (POP), dioxines, pesticides organochlorés, retardateurs de flamme bromés, composés perfluorés, métaux lourds, plastifiants, cosmétiques, huiles minérales… Ces molécules lipophiles passent la barrière lactée et s'accumulent dans le lait maternel, riche en lipides.

L'étude de l'alimentation totale infantile (EAT) avait évalué en 2010 l'exposition des enfants de moins de trois ans à divers contaminants, mais elle n'avait pas inclus d'enfants allaités. Le dernier travail sur le sujet remonte à 1999.

Un travail en lactarium

Une nouvelle étude, Conta-Lait, vient d'être réalisée (publication en cours), sur une population de femmes (n = 180) ayant effectué un don dans un lactarium, mais qui n'a pas pu être utilisé pour des raisons bactériologiques.

Les objectifs étaient d'évaluer la présence et la concentration de contaminants dans le lait maternel de femmes vivant en France, d'obtenir une estimation de l'exposition des nourrissons allaités et d'évaluer le risque potentiellement encouru.

Les dosages ont été effectués sur le lait après purification des échantillons par chromatographie en phase gazeuse couplée à une spectrométrie de masse à haute résolution. Les données sociodémographiques (âge, IMC avant et après la grossesse, activité professionnelle, etc.) collectées ont été enrichies d'un questionnaire sur le mode de vie et l'environnement (logement, transport) des donneuses ainsi que d'un recueil alimentaire.

L'âge moyen des femmes incluses dans l'étude était de 31 ans (± 4,8), la durée moyenne de l'allaitement au moment de l'inclusion de 65,1 jours (± 74,9) , 70 % étaient des primipares et leur IMC était égal à 23,7 (± 5). 8 % des femmes étaient fumeuses et 17 % exposées régulièrement à la fumée du tabac dans les 12 derniers mois. 47,7 % habitaient en centre-ville et 45 % près d'une route avec un trafic important.

Le bio contre-productif ?

Les premiers résultats montrent la présence de dioxines, furanes et PCB apparentés à la dioxine ou non. Les enfants nourris au sein sont ainsi davantage exposés que les enfants nourris au lait maternisé (qui n'en est toutefois pas exempt) avec en conséquence des charges corporelles plus élevées. « Cependant, même en cas d'exposition maximale (c'est-à-dire dans le cadre d'un allaitement maternel exclusif 6 mois), les charges corporelles simulées restent inférieures aux concentrations critiques. Cette observation semble rassurante, a tempéré la Dr Virginie Rigourd (Paris). Il semblerait qu'il y aurait plus de polluants dans le lait de femmes de niveau socio-économique plus élevé et l'on peut se demander si certain type de consommation (bio plein air) ne serait pas contre-productif… mais cela n'a pas été recueilli dans le questionnaire. »

Le sein même à Tchernobyl   

« Les bénéfices de l'allaitement maternel dépassent largement les risques de cette contamination », a insisté la Dr Rigourd. La surveillance épidémiologique doit se poursuivre afin d'évaluer à long terme les effets de ces substances en très faible quantité, et mener éventuellement une action de santé publique pour les personnes vulnérables. « Toutes les études sont en faveur de l'allaitement, ou neutres, mais jamais en défaveur, même dans des zones à haute pollution, comme la région de Tchernobyl ! », a poursuivi le Dr Jean-Christophe Roze (Nantes).

L'étude Probit (promotion of breastfeeding intervention trial) a bien montré que l'allaitement maternel prolongé améliorait le développement cognitif. En revanche, il n'y aurait pas d'effet reconnu en termes d'asthme et d'allergie, ni sur l'obésité. En ce qui concerne l'eczéma, il y aurait un effet positif durant la première année de vie mais qui ne se confirmerait pas par la suite. Enfin, les enfants allaités de façon prolongée et exclusive auraient également un meilleur rapport à l'alimentation à l'âge de 11,5 ans.

Table ronde « Que sait-on des contaminants du lait maternel ? », avec Jean-Philippe Antignac (Nantes), la Dr Virginie Rigourd (Paris) et le Dr Jean-Christophe Roze (Nantes)


Source : Le Quotidien du médecin