En cas d’atteinte neurologique

Du Botox pour l’hypersialorrhée des enfants

Publié le 23/09/2010
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« L’INJECTION de toxine botulique dans les glandes salivaires chez les enfants infirmes moteurs cérébraux est encore peu répandue en France, explique pour le « Quotidien » le Pr Diana Rodriguez, neuropédiatre à l’hôpital Trousseau. Dans notre établissement spécialisé, seuls quelques médecins en font et l’indication pour problème social est limitée ». Un constat qui sera peut-être amené à se modifier à l’avenir, si l’on s’en réfère aux résultats de médecins néerlandais. L’équipe du Dr Arthur Scheffer à l’université de Nijmegen vient de publier les résultats de son expérience chez 131 enfants ayant un retard neurologique. La moitié d’entre eux était franchement améliorée après une injection unique dans les glandes sous-maxillaires, et ce pendant 22 semaines.

Alors que l’incontinence salivaire stigmatise les enfants neurologiques, il est temps, en effet, de développer des méthodes alternatives à la chirurgie invasive. « La chirurgie de la parotide n’est pas sans danger, en particulier il y a le risque de lésion définitive du nerf facial pour la parotide, explique pour le Quotidien le Pr Erea-Noël Garabédian, chef de service en ORL à l’hôpital Trousseau. Avec le Botox, les effets secondaires à type de caries et de salive trop rare sont réversibles.Pour l’instant, nous réservons l’injection de Botox aux bavages très importants d’enfants neurologiques dès l’âge de 4-5 ans. Les résultats sont assez variables sur notre vingtaine de cas ». La rééducation comportementale et l’orthophonie peuvent ne donner de bons résultats que chez les enfants ayant des fonctions cognitives suffisamment préservées pour participer. Quant à l’injection systémique d’anticholinergiques, elle est efficace mais au prix d’effets secondaires.

Anesthésie générale ou locale

Première difficulté pour les chercheurs, trouver un outil fiable et pratique pour mesurer l’hypersialorrhée. L’équipe a opté pour le temps passé à « baver » sur une durée définie. C’est ainsi que sur 2 sessions de 10 minutes qu’un orthophoniste observait l’enfant le matin, celui-ci bien réveillé et à distance d’au moins 1 heure d’un repas. La présence d’écoulement salivaire était évaluée toutes les 15 secondes, soit un total de 40 observations par session. On considérait que les enfants étaient répondeurs si le temps passé à saliver était diminué de moitié. L’injection de toxine botulique était réalisée sous anesthésie générale et avec contrôle échographique. « Dans notre service, l’injection de Botox est réalisée chez les enfants de plus de 5 ans sous Méopa, ce mélange analgésique d’oxygène et de protoxyde d’azote, très utilisé en service d’urgence et administré sous forme inhalée », poursuit le Pr Garabédian. « La majorité de notre recrutement touche des tout-petits ayant par ailleurs d’autres pathologies ORL et des problèmes de fausses routes, poursuit sa collègue le Pr Françoise Denoyelle. C’est pourquoi l’anesthésie générale est préférée chez eux ».

Injections répétées

Dans la série néerlandaise, les enfants âgés de 3 à 27 ans (10,9 ans en moyenne) étaient atteints d’une épilepsie, pour 90 % d’entre eux, ou d’un retard mental d’origine inexpliquée, pour les autres. Les neuropédiatres de Nijmegen n’ont rapporté aucun effet secondaire grave, avec seuls deux cas de xérostomie. L’effet secondaire le plus fréquent était la modification de la salive, plus épaisse et plus visqueuse, avec 16 cas rapportés. Il reste à déplorer que l’effet s’atténue relativement vite dans le temps, avec une rechute après une médiane de 22 semaines. « L’efficacité d’une injection dure en moyenne 4 mois », note le Pr Denoyelle.

« Une seule injection dans les glandes sous-maxillaires est insuffisante pour contrôler l’hypersialorrhée, explique le spécialiste ORL. Même si ces glandes salivaires concentrent 70 % de la production salivaire, il reste la parotide. Pour de meilleurs résultats, il faut agir à ces deux niveaux ». L’équipe française cible ainsi les deux types de glandes salivaires selon différents protocoles, en combinant soit chirurgie sous-maxillaire et injection de Botox dans la parotide, soit injection dans chacune d’entre elles. Pour améliorer la durée de traitement, l’équipe du Dr Scheffer soulève la question des injections répétées de toxine botulique, pouvant entraîner à terme la réduction permanente de l’hypersialorrhée par atrophie glandulaire. « Nous n’avons pas rencontré de problème particulier avec les séances répétées dans notre service », indique le Pr Denoyelle.

Arch Otolaryngol Head Neck Surg, volume 136, numéro 9, 873-877, septembre 2010

Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8821