Enfance, éducation, alimentation : la cohorte ELFE livre ses premiers résultats

Par
Publié le 13/03/2017
bebe ongles

bebe ongles
Crédit photo : PHANIE

Avec quelque 18 329 nouveau-nés recrutés en 2011 dans toute la métropole, et plus de 150 chercheurs, la cohorte ELFE (pour étude longitudinale française depuis l'enfance), co-pilotée par l'institut national d'études démographiques (INED) et l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) est inédite en France par sa taille et sa « pluridisciplinarité », a souligné Marie-Aline Charles, directrice de l'unité Elfe Inserm, en ouverture de la première journée scientifique, ce 13 mars.

ELFE devrait suivre les enfants et leurs familles pendant 20 ans, via des enquêtes téléphoniques mais aussi, une enquête à domicile à 3,5 ans qui a permis de faire des tests cognitifs et visiomoteurs chez 9 300 enfants et de prélever des échantillons biologiques à domicile, un bilan avec les services de protection maternelle et infantile en 2015, et une enquête auprès des enseignants. À la clef : des réponses à des grandes questions de recherche en sciences sociales, santé et environnement.

Un rapport aux soins différent selon le genre et le niveau social

Olivia Samuel (Université de Versailles Saint-Quentin) a ainsi montré comment les rapports aux soins du nourrisson étaient genrés et influencé par la position sociale, en travaillant sur les données de la cohorte à 2 mois et à un an.

Il en ressort deux types de soins : donner le bain ou nourrir l'enfant, soins « nobles » sont appréciés de tous les parents, quel que soit le groupe social, contrairement aux soins plus techniques (moucher le nourrisson et lui couper les ongles). « Les femmes s'en acquittent par obligation, sans recourir à des stratégies d'évitement, tandis que les hommes délèguent davantage, surtout pour ce qui est de couper les ongles » commente Olivia Samuel, l'expliquant par le moindre goût des pères à s'occuper des très jeunes enfants, et leur sentiment d'être peu compétents.

Son étude met en lumière un gradient social très net. Les femmes diplômées sont plus distantes dans les soins, « ce qui peut être le reflet d'une moindre adhésion aux modèles naturalisant, promouvant l'instinct maternel ». De même pour les pères, qui ont intériorisé un rôle parental actif mais contraint. Exception faite du bain, qu'ils donnent par plaisir : « les pères diplômés y voient un moment relationnel ; on peut y lire aussi l'injonction des mères, dans un modèle où l'égalité est érigée en norme », explique la chercheuse. À l'inverse, les femmes des catégories populaires montrent un fort investissement dans les soins au nourrisson, avec un enthousiasme non feint. « Elles ont parfois déjà eu à s'occuper d'enfants jeunes », note Olivia Samuel.

Autre exemple de traitement des données ELFE, Bertrand Geay (Université de Picardie) a mis en valeur, dans les stratégies d'éducation, l'influence du sexe de l'enfant, de la position sociale de la famille, et de la culture d'origine. Il se dessine ainsi une culture populaire où « faire grandir un enfant » consiste à le faire marcher, manger proprement, utiliser sa « bonne main », dire maman et papa, et jouer seul, tandis que la culture des élites privilégie les jeux d'éveil, l'autonomie, et la communication précoce (avec développement des compétences préverbales, plus que du vocabulaire utile). « Ces résultats permettent de prendre en compte la normativité propre à chaque milieu social et d'agir sur les inégalités », souligne Bertrand Geay.

Des données sur l'allaitement et la grossesse

Cette première journée scientifique est aussi l'occasion de rappeler le travail de Santé publique France sur l'exposition des femmes enceintes aux polluants de l'environnement, en 2011. L'équipe de Clémentine Dereumeaux montre des niveaux d'imprégnation aux polluants organiques très élevés : plus de 70 % de taux d'exposition des femmes enceintes au bisphénol A, 99,6 % d'exposition à au moins un phtalate, 100 % d'exposition aux pyréthrinoïdes... 

Le projet SOFI porte enfin sur les déterminants socio-culturels des pratiques alimentaires durant l'enfance. Les premiers résultats montrent que les femmes arrêtent d'allaiter en médiane 8 semaines avant la reprise du travail - bien loin des 6 mois d'allaitement exclusif recommandés par l'Organisation mondiale de la santé, et plaident pour un prolongement du congé maternité. Ils explorent aussi le recours aux préparations infantiles et les modalités de la diversification.  

Autant d'études dont l'intérêt se joue surtout le long terme. Mais « les fonds vont nous manquer alors que le programme d'investissement d'avenir vient de se terminer » a alerté Magda Tomasini, directrice de l'Ined. Autre souci : soutenir la mobilisation des familles, alors qu'à 3,5 ans, déjà 11 % ont demandé à sortir de l'enquête.


Source : lequotidiendumedecin.fr