Le rapport Peyron ne doit pas rester sans suites

Il faut sauver les PMI !

Par
Publié le 09/12/2019
Article réservé aux abonnés
Chacun est désormais lucide : la protection maternelle et infantile (PMI) est en état de péril en France, alors que la prévention qu’elle permet est très efficace en termes médicoéconomiques. Mais l’alarme lancée par le rapport Peyron n’a pas suffi pour faire réagir le gouvernement, qui a présenté un plan peu ambitieux.
La PMI doit pouvoir fonctionner sur des objectifs de santé publique avec une vocation préventive universelle

La PMI doit pouvoir fonctionner sur des objectifs de santé publique avec une vocation préventive universelle
Crédit photo : Phanie

« Nous avons accueilli de manière favorable le rapport de Mme Peyron qui dresse un constat lucide sur l’état actuel de péril de la protection maternelle et infantile (PMI) en France. Nombre de ses propositions vont dans le bon sens. Mais nous restons dans l’expectative sur les suites qui seront données à ce rapport par le gouvernement. Encore une fois, on a l’impression qu’on ne va s’intéresser à la PMI qu’à travers le prisme de la protection de l’enfance », explique le Dr Pierre Suesser, co-président du syndicat national des médecins de PMI.

Une crise majeure face à une baisse régulière des dotations

C’est en juin qu’a été rendu le rapport « Pour sauver la PMI, agissons maintenant », de Michèle Peyron, députée (En Marche) de Seine-et-Marne. Après un travail de six mois, la parlementaire fait le constat d’une « crise majeure » de la PMI en France. « La dépense annuelle de PMI, mal appréhendée par la statistique nationale, peut être estimée à environ 500 millions, soit 1 % des dépenses sociales des conseils départementaux », indique le rapport, en ajoutant que la PMI a aussi été « négligée » par l’État et par l’Assurance-maladie. Alors qu’il s’agit « d’une politique sanitaire préventive avec un fort retour sur investissement », la « Sécu » ne finance la PMI que de « manière marginale », à hauteur de 35 millions d’euros par an. « Le budget global de la PMI a perdu 100 millions en dix ans, soit une baisse de 20 % de ses ressources », souligne le Dr Suesser.

Le rapport multiplie les exemples montrant un « rétrécissement marqué » de l’activité sanitaire de la PMI en direction des publics fragiles. En 1995, près de 900 000 enfants avaient été vus en consultation de PMI, représentant 2,7 millions d’examens. En 2016, on a recensé 550 000 consultants pour 1,49 million d’examens, soit une baisse de 45 %. « Le résultat est que la PMI est obligée de cibler les tout jeunes enfants (0 à 2 ans) alors qu’elle est compétente jusqu’à l’âge de 6 ans », déplore le Pr Suesser.

Autre constat : les visites à domicile infantiles par des infirmières puéricultrices ont vu leur nombre presque divisé par deux en 25 ans : 1 million de visites en 1991, contre 580 000 en 2016. Les visites à domicile auprès des femmes enceintes par des sages-femmes ont également baissé : 240 000 en 1995 contre 188 888 en 2016.

Les médecins désertent une activité qui les passionne mais ne les rémunère pas

« La PMI couvre environ 6 % des besoins en termes d’entretien prénatal précoce. Le bilan de santé en école maternelle se maintient, avec un taux de couverture national de 70 % – mais des écarts de 10 % à 98 % selon les départements », note le rapport, en pointant aussi le fait que jusqu’à 50 % de postes de médecins restent vacants dans certaines PMI. Et ce manque de praticiens « va s’aggraver, puisque deux tiers des médecins de PMI atteindront l’âge de la retraite d’ici 2020 », souligne le rapport Peyron.

« C’est un problème crucial. Le statut et la rémunération des médecins de PMI ne sont guère attractifs. Ces derniers démarrent à 2000-2500 € par mois, comme les médecins scolaires alors que, dans un centre santé, on peut gagner très vite 4 500 €. Forcément, les jeunes médecins hésitent à venir en PMI alors que beaucoup, durant les stages, se montrent très intéressés par notre activité pluridisciplinaire et très diversifiée », indique le Dr Suesser.

Des propositions intéressantes mais qui n’ont pas été suivies

Dans ses propositions, le rapport ambitionne notamment à la « généralisation » d’un bilan de santé gratuit « M’ta santé » en moyenne section de maternelle, réalisé par une infirmière puéricultrice de PMI, financé par l’Assurance-maladie, en présence des parents. Il préconise la création d’un Fonds national PMI délégué aux Agences régionales de santé (ARS), leur permettant de développer une contractualisation financière avec les départements sur des objectifs de santé publique. Enfin, le rapport demande la création d’une prime de 300 euros par mois pour les jeunes médecins. « C’est un premier pas mais cela ne suffira pas pour attirer les jeunes. Il faut vraiment revaloriser le statut », souligne le Dr Suesser.

Ce dernier avoue avoir été déçu par la présentation de la Stratégie de prévention et protection de l’enfance par le secrétaire d’État Adrien Taquet en octobre. Ce plan prévoit certes de réaliser 100 % des bilans de santé en école maternelle d’ici 2022 et d’atteindre un taux de couverture de 20 % par la PMI des besoins en termes d’entretien prénatal précoce à horizon 2022. « Mais il développe une stratégie centrée sur la protection de l’enfance alors qu’il ne s’agit que d’une mission parmi d’autres de la PMI. Au contraire, le rapport Peyron proposait un véritable plan d’ensemble pour revitaliser la PMI. Le risque est que cela continue de véhiculer l’idée que la PMI ne s’occupe que des enfants vivant dans des situations de pauvreté ou de maltraitance. Oui, nous prenons en charge ces enfants et cela doit continuer. Mais la vocation préventive universelle de la PMI nous conduit à nous occuper aussi d’un public bien plus large », insiste le Dr Suesser.

Exergue : La stratégie gouvernementale est centrée sur la protection de l’enfance alors qu’il ne s’agit que d’une mission parmi d’autres de la PMI

Entretien avec Dr Pierre Suesser, co-président du syndicat national des médecins de PMI

Antoine Dalat
En complément

Source : lequotidiendumedecin.fr