Infection pulmonaire basse de l’enfant : pas d’antibiothérapie systématique

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Publié le 03/11/2021

En dehors de d’une suspicion de pneumonie, il n’y a pas de bénéfice à l’antibiothérapie systématique. Une étude randomisée ne double aveugle le démontre, avec aucune amélioration des symptômes ou de leur durée.

Crédit photo : phanie

Les infections respiratoires aiguës constituent l’un des premiers motifs de consultation en médecine générale (MG), en particulier pour les enfants. Et, bien que la prescription d’antibiotique ait reculé dans les infections respiratoires hautes comme les infections pulmonaires, la plupart des enfants continuent à s’en voir prescrire. Au Royaume-Uni dans une étude observationnelle on était en 2018 à 40 % d’antibiothérapie dans les infections pulmonaires de l’enfant. Or, si quelques études cliniques chez l’adulte suggèrent un modeste bénéfice associé à l’antibiothérapie, on n’a quasi aucune preuve chez l’enfant.

Partant de ce constat, des chercheurs anglais ont lancé une étude randomisée, l’étude Artic-PC, dédiée aux enfants. Ses résultats montrent que, lors d’infection pulmonaire basse non compliquée associée à des symptômes modérément mauvais et en absence de signe de pneumonie, l’antibiothérapie systématique par amoxicilline (5 jours) n’apporte pas de bénéfice clinique significatif (1). L’éditorialiste en conclut que « sauf motif clinique particulier, les médecins devraient éviter la prescription d’antibiotique dans les infections respiratoires basses non compliquées de l’enfant. À la place, ils devraient plutôt s’attacher à expliquer aux parents quels signes et symptômes doivent les amener à reconsulter » (2).

Une étude randomisée en double aveugle versus placebo en médecine générale

L’étude porte sur des enfants âgés de 6 mois à 12 ans. Elle a fait participer 56 médecins généralistes. Ils ont inclus les enfants se présentant en consultation pour infection respiratoire basse aiguë jugée être d’origine infectieuse − type bronchite aiguë avec majoritairement de la toux − ne datant pas de plus de 3 semaines. Étaient exclus les immunodéficients, les causes virales évidentes telle le croup, les origines non infectieuses comme les exacerbations d’asthme et les suspicions de pneumonie.

Les enfants ont été randomisés en deux groupes : placebo ; antibiotique (amoxicilline 50 mg/kg/j en 3 prises sur 7 jours).

Les parents devaient remplir un journal des symptômes durant au moins 7 jours et aussi longtemps que les symptômes persistaient. L’ensemble des symptômes est journellement coté de 0 à 6 (0 = bien, 3 = modérément mal, 6 = très mal).

Le critère primaire de jugement est la durée des symptômes présentant un score global supérieur ou égal à « modérément mal » (score ≥ 3).

Les critères secondaires sont la sévérité des symptômes pris séparément et côtés de 0 à 6 (toux, expectorations, souffle court, sifflements, nez bouché ou coulant, sommeil perturbé, sensation d’être mal, fièvre et impact sur les activités habituelles), la durée totale des symptômes plus les reconsultations/aggravations.

Même durée des symptômes, toux comprise, et quasi aucun bénéfice net

Entre novembre 2016 et mars 2020, 438 enfants ont été recrutés et randomisés. In fine, 6 ont retiré leur consentement. L’étude porte donc sur 221 enfants dans le groupe antibiotique et 211 dans le groupe placebo.

Parmi eux, 54 % de garçons et 46 % de filles. Leur âge médian est de 3,2 [1,6-5,7] ans et 13 % ont des comorbidités.

En termes cliniques, 53 % ont une radiologie pulmonaire anormale, 76 % ont des expectorations, 78 % sont fiévreux, 66 % se sentent mal et 46 % ont le souffle court. Par ailleurs, 7 % ont une SAO2 inférieure à 95 %. Enfin, 2 % étaient à haut risque d’hospitalisation (Starware score).

À noter, on n’a obtenu la durée des symptômes que pour 73 % des participants à l’essai.

Au total la durée des symptômes de cette infection haute aiguë est comparable dans les deux groupes. On est en valeur médiane à 6 [4 à 15] jours, sur 156 sujets, dans le groupe placebo, versus 5 [4 à 11] jours, sur 161 sujets, dans le groupe antibiotique, de symptomatologie au moins modérément mauvaise. On n’a pas non plus de différence en termes de durée médiane des symptômes toutes intensités confondues (7 vs 8 jours). On note toutefois une petite différence dans la sévérité des symptômes durant les jours 2 à 4 après la consultation, un peu moins souvent sévères dans le groupe antibiotique.

Enfin, on n’observe pas de réelle différence en termes de reconsultations (38 % dans le groupe placebo, vs 30 % dans le groupe antibiotique) ni en termes de complications (2 % dans les deux groupes).

« Ces données suggèrent que les antibiotiques n’apportent pas de bénéfice clinique significatif sur la durée des symptômes ou leur intensité. Même si quelques enfants en tirent peut-être avantage, l’analyse en sous-groupes n’a pas mis en évidence de sous type clinique dans lequel l’antibiothérapie serait intéressante. En absence de suspicion de pneumonie, l’antibiothérapie ne devrait donc pas être prescrite dans les infections pulmonaires aiguës infantiles », concluent les auteurs.

 

(1) P Little et al. Antibiotics for lower respiratory tract infection in children presenting in primary care in England (ARTIC PC) : a double-blind, randomised, placebo-controlled trial. Lancet 2021 ; 398 : 1417-26

(2) L Jankauskaite et al. Childhood lower respiratory tract infections : more evidence to do less. Lancet 2021 ; 398 :1383-84

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr